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Critique de Delphine-Olympe


Qu’il est difficile de reprendre le cours de la vie.
Qu’il est difficile de retourner vers les livres et de se laisser guider par les phrases.
Je sais pourtant que les mots des écrivains sont mes plus fidèles et mes plus précieux alliés pour comprendre le monde et donner sens et intensité à ma vie. Je sais aussi qu’eux seuls me permettront d’avancer, de sortir de cet état d’hébétude, d’évaluer les événements et tout ce qui en découle autrement que sous le seul coup de l’émotion...
Mais bon sang qu’il est difficile de retrouver le chemin de la littérature !

Que pouvais-je lire après ça ? Un livre léger, pour m’évader, comment certains ont pu le faire ? Je savais qu’en ce qui me concerne il était trop tôt, que ça ne marcherait pas. J’avais au contraire besoin de cerner l’effroi.

Le roman de Jeanne Benameur patientait dans ma bibliothèque: lorsque mon regard s’est arrêté dessus, il s’est imposé comme une évidence.

Un livre qui parle de la violence dont sont capables les hommes, mais abordée sous l’angle d’un récit introspectif, une sorte de grand écart entre le chaos du monde et la quête intime d’une forme de paix.
Jeanne Benameur entre dans la peau d’un ex-otage qui vient d’être libéré, un photographe de guerre dont le métier est d’approcher au plus près de ce que l’humain produit de pire. Etienne voulait témoigner. Il cherchait surtout, cliché après cliché, à retrouver l’humanité que les individus perdent lorsqu’ils sont confrontés à la mort omniprésente, à la nécessité de se cacher ou de fuir pour préserver leur vie. Jusqu’à ce que lui-même se trouve pris dans ce déferlement de violence, capturé, enfermé. Pourquoi ? Par qui ? Jusqu’à quand ?
Après sa libération, il retrouve ses proches et, parmi ceux-ci, son amie d’enfance qui, elle aussi, a choisi de côtoyer la douleur pour y porter secours et la combattre. Jofranca, avocate à La Haye, aide les femmes victimes de la guerre à exprimer ce qu’elles ont vécu.

Avec une sobre économie de moyens, Jeanne Benanmeur dit la peur, la déchéance, le sentiment de perte d’humanité lorsqu’on n’est plus qu’une monnaie d’échange, celui de l’avilissement quand un homme en est réduit à ne plus attendre que la maigre écuelle quotidienne ou lorsqu’une femme est meurtrie, violentée pour se voir imposer une domination. Jeanne Benameur dit la folie des hommes, et le recours impérieux à la parole pour mettre l’horreur à distance et s’en affranchir.

Cette nuit, c’est différent. Il y a des mots qui viennent. Ce sont les mots humbles de qui se sait humain et frère des humains, quels qu’ils soient, si monstrueux soient-ils. Ce sont des mots pour l’homme au visage las aussi sous sa cagoule et tous ceux qui croient comme des fous. Jusqu’à mener les autres à la mort. Des mots pour tous ceux qui crient dans cette nuit et qu’il n’entend pas parce qu’il a la chance d’être ici, protégé, des mots pour ses camarades encore enfermés, morts peut-être, pour ceux qu’on torture comme pour ceux qui les torturent. Cette nuit il fait à nouveau partie du monde, de ce monde puant la charogne où l’amour souffle quand même, ténu, tenace, dans des poitrines ignorées.

Dans ce contexte de violence effroyable et aveugle, ce livre a pris une résonance terrible et m’a aidée. L’auteur a mis des mots très posés, dénués de bruit et de fureur sur une situation intolérable. Je ne sais pas ce que j’en aurais dit en d’autres circonstances. Mais en ces jours sombres, ce sont les mots qu’il me fallait.


Lien : http://delphine-olympe.blogs..
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