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Critique de MasterBook


« It's a match! »* : c'est par cette formule lapidaire qu'a débuté l'histoire d'amour entre Augusta, une jeune Française fraîchement débarquée à New-York, et Dragan, un critique d'art roumain d'une quarantaine d'années… Leur point commun ? S'être tous les deux inscrits sur l'application de rencontre Tinder. Ce subtil mélange entre numérique et réel nous est proposé, en cette rentrée littéraire, par le jeune auteur Clément Bénech, dans Un amour d'espion.

Si la couverture colorée et affublée de flamants roses peut paraître séduisante, ce n'est cependant pas elle qui m'a donné envie de lire le roman ; et s'il ne m'avait pas été indiqué en lecture scolaire, je crois très sincèrement que je serais passée à côté.

Le thème des réseaux sociaux, abordé dans le roman, m'a laissé un goût amer de « déjà-vu ». Cependant, il faut le reconnaître, Clément Bénech traite Tinder de manière différente puisqu'il ne sombre ni dans une apologie, ni dans une réprobation complète de l'application. C'est avec un regard à la fois critique et enjoué, qu'il explore plutôt les péripéties qu'un tel outil peut engendrer. L'auteur nous démontre notamment comment les réseaux sociaux affectent les relations amoureuses et en quoi ces derniers sont une nouvelle forme de contrôle. Ainsi, on surprend Dragan en train d'analyser chaque photo postée par Augusta sur Instagram afin de déterminer si cette dernière est en couple ou non, et de retrouver cette fille pour qui il a eu un coup de foudre …

Puis, une fois le duo Dragan-Augusta formé, l'auteur exploite à nouveau l'outil Internet pour dérouler toute une intrigue autour du critique d'art. En effet, la méfiance d'Augusta vis-à-vis de Dragan est déclenchée par un commentaire menaçant, posté hebdomadairement et de manière anonyme sous les chroniques artistiques du quadragénaire. Ce simple commentaire va occasionner une course-poursuite rocambolesque, digne d'un grand roman policier. Mais plus qu'un moment d'action, la traque du roumain Dragan est aussi, pour Clément Bénech, une occasion de nous rappeler en filigrane un pan d'histoire sous Ceausescu.

J'ai particulièrement apprécié la narration et le rythme de l'histoire : le lecteur emboite le pas du narrateur dans son enquête, pour comprendre, au fur et à mesure, qui est vraiment Dragan. C'est également à travers les bribes de souvenirs d'Augusta, à propos de son histoire avec Dragan, que l'on devient de plus en plus familier avec le critique d'art. Cette écriture en « instantanés », rapide et saccadée, est savamment contrebalancée par des passages plus lents et plus descriptifs.

Il me semble également que ce roman contemporain mérite d'être salué pour la méditation parfaitement orchestrée qu'il propose entre direct et indirect. En effet, Dragan est présenté comme un homme de l'indirect, puisqu'à la fois issu d'une nation policée et descendant de son « pope de père » (p. 120). Or ce personnage est volontairement placé dans une société qui exige de l'efficacité et du direct. Plus de filtres, plus de retenues, Tinder et son principe de « on match, on se rencontre et plus si affinités » est l'exemple par excellence du direct.

Par ailleurs, l'aspect visuel du roman a retenu toute mon attention. En effet, en plus du texte, Clément Bénech offre au lecteur des reproductions de profils Tinder, de photos Instagram, de conversations Facebook (avec l'écriture relâchée qui en découle…) ou encore de cartes Google Maps. Ces éléments de réel insérés dans le texte permettent de jouer sur le clivage entre réalité et fiction. Pour accentuer plus encore ce décalage, l'auteur malicieux s'est amusé à glisser dans son oeuvre des petits « clins d'oeil » : des faits de sa vie ou encore des photographies de ses amis (notamment de la Youtubeuse « Solange te parle »).

En somme, je me souviendrai d'Un amour d'espion de Clément Bénech comme d'un roman empreint d'humour (on peut trouver de nombreux passages comiques, notamment lorsque Dragan se bat avec un flacon de shampoing difficile à ouvrir), un roman sans prétention, mais dont la lecture est récréative.

* « ça colle, ça marche ! »
Lien : https://mastereditionstrasbo..
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