Au début des années 20, le mouvement fasciste mussolinien, après avoir cadenassé les villes, resserre son emprise sur les campagnes. La chasse à l'opposant rural s'ouvre, elle se fera dans le sang quand la résistance se fera trop forte. Les mailles du filet se resserrent autour des socialistes et des communistes qui, organisés en syndicats ou coopératives, menacent l'ordre ancien. Les terres changent peu à peu de mains sous l'impact de la persuasion forte, des ventes forcées à bas prix, des violences psychologiques et corporelles, quelquefois d'assassinats en place publique restés soigneusement impunis.
A Gorgo al Monticano, un village du nord-est de l'Italie, une famille, les Montefiore, est contrainte brutalement à l'exil vers la France. Elle trouve refuge dans le Lot et Garonne et s'intègre peu à peu. le patriarche, Nunzio, devient arrière grand père et ultime référence d'un passé qui s'enfuit. Aux générations qui se succèdent, il n'aura de cesse de reparler de l'exil brutal, en anti-mussolinien convaincu, en opposant de la première heure, en ressortissant étranger broyé par L Histoire ... Ses descendants rangeront les faits rapportés au rang d'un mythe familial inébranlable.
En 1983, l'arrière grand-père décédé, deux jeunes frères nés en France font le voyage de retour vers la terre natale, espérant renouer avec les cousins et cousines trans-alpins.
Le pèlerinage apportera d'autres fruits que ceux escomptés. La suite appartient au roman. le lecteur est convié au voyage à la source des origines ... et ne le regrettera pas.
Le roman emboîte progressivement les pièces d'un puzzle familial complexe, use de mystères pour disséquer un drame humain sous-jacent. le lecteur s'interroge, cherche à comprendre, à résoudre l'énigme au fil des coups de théâtre, des révélations ponctuelles jusqu'à celles de l'épilogue en abîme. L'intrigue poserait ainsi l'ouvrage en roman de terroir flirtant avec le policier, si ce n'est qu'il n'apparaît pas limité à deux genres réducteurs. "La fuite d'Italie" mérite plus que çà. C'est aussi un roman historique qui dissèque l'emprise mussolinienne et les conséquences de l'exil. Mais c'est avant tout une oeuvre généraliste à l'écoute des hommes et de ce qu'ils montrent à l'épreuve de la grande Histoire en marche, de l'Amour, de l'amitié et du respect à donner à la Famille. L'auteur y parle de leurs travers éternels et de leurs mérites ponctuels, des espoirs oubliés et des ambitions ruinées d'un clan disloqué, de l'amour des autres, de la Vérité qui ne peut cheminer qu'avec le pardon et la compréhension à ses côtés.
Les noeuds de l'intrigue sont si serrés et mouillés qu'ils mettront du temps à se dénouer. Il faudra tant de qualités simplement humaines pour y parvenir, pour survivre unis à l'épreuve qu'ils imposent. Les secrets familiaux sont hermétiquement repliés sur eux-mêmes, profondément enracinés dans l'ombre cachée du clan Montefiore. Trois générations depuis l'Exil pour qu'une quatrième s'expose enfin à l'épreuve du révélateur de Vérité.
Le malaise règne derrière la fausse liesse des retrouvailles, elles se noient rapidement dans la gène omniprésente, dans les silences pesants, dans les non-dits et les regards qui voudraient bien parler quand les bouches se taisent. le temps des retrouvailles en parenthèse temporelle incertaine et fragile peut se refermer à jamais si de simples qualités humaines d'écoute ne s'imposent pas.
Quelle chose se cache derrière les faits têtus, les paroles retenues. Résoudre l'énigme est ouvrage difficile, les simples déductions ne suffisent pas; il faudra des actes et des paroles de bon sens, humbles et réfléchies pour qu'elle se dénoue. Un huis clos, à l'air libre d'un hiver débutant, enserre une famille dans un étau qu'elle est seule à pouvoir libérer. L'auteur maîtrise son propos et présente une histoire qui vaut le détour.
"La fuite d'Italie" s'impose, avec bonheur, à la convergence de genres littéraires comme un roman généraliste contemporain. le style d'écriture est aisé, profondément humain et sensible comme en osmose avec les héros décrits au plus profond d'eux-mêmes, au plus près de ce qu'ils peuvent révéler et offrir. Jean-Marc Bénedetti réussit avec bonheur, au coeur d'un roman assez court (171 pages seulement), à nous offrir un texte plein, dense et prenant de part son intrigue complexe et ses psychologies attachantes.
Vrai, j'ai bien aimé. What else..!
Merci à Babelio et Masse Critique, aux Ed. Passiflore et à Jean-Marc Benedetti pour cette excellente lecture, à ces quelques jours passés en compagnie de personnages attachants..
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