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Critique de oran


oran
12 février 2017
Dans « Oppède » (Editions Brentano's 1945) j'avais appris que Consuelo de Saint- Exupéry avait été prise en charge à Marseille, quelque temps, par le comité Fry, hébergée au « château Air Bel » sorte de phalanstère hétéroclite , et j'étais restée avec l'envie d'en savoir plus sur cette organisation et son histoire.
Voilà qui est fait avec le livre "Un chemin vers la liberté sous l'occupation" de Daniel Bénédite, que j'ai reçu dans le cadre de la Masse critique. Cet ouvrage, dense, généreux en informations, résulte, en grande partie, des rapports, des notes prises par Bénédite, au jour le jour entre 1941 et 1944.
L'auteur (né Undemacht), rescapé de Dunkerque en 1940, démobilisé, ne reprit pas son poste de fonctionnaire dans les services préfectoraux de Paris et se replia sur Marseille. Il deviendra ainsi, le collaborateur puis le bras droit de Varian Fry qui dirigeait le Centre américain de secours (CAS) fondé en septembre 1940 ayant pour but officiel d'offrir une aide aux réfugiés, notamment aux intellectuels et artistes (sculpteurs, musiciens, universitaires, romanciers, poètes, journalistes… »
Il prendra sa suite quand Fry sera expulsé de France en septembre 1941.
Cette structure deviendra rapidement une filière clandestine pour soustraire les réfugiés politiques allemands, autrichiens, républicains espagnols… les juifs aussi de toutes nationalités , menacés d'être livrés aux nazis en vertu de l'article 19, 2e alinéa de la Convention d'armistice du 22 juin 1940.
« le gouvernement français est tenu de livrer sur demande tous les ressortissants allemands désignés par le gouvernement du Riech et qui se trouvent en France… »
Pour cela, elle organisera, légalement ou clandestinement, le départ mûrement préparé ou la fuite dans l'urgence hors de France de ces personnes, condamnées, à brève échéance. (On peut citer André Breton, Marc Chagall, Marcel Duchamp, Marx Ernst, Lion Feuchtwanger - l'auteur du Juif Süss- , Stéphane Hessel, von Hildebrand Franz, Otto Hirschman, Heinrich Mann, Mehring Walter, Otto Meyerhof, Anna Seghers, l'illustre professeur de neurologie Bruno Strauss, elle s'occupera aussi de Frans Maserel, artiste pacifiste qui vivait à Avignon, et de bien d'autres encore – Il n'y a pas eu de décompte exhaustif, on peut estimer que plus de 2 500 personnes furent ainsi sauvées ).
Avec moult détails, Bénédite raconte cette période difficile où il fallait afficher une activité officielle et légale : interventions et démarches d'assistance aux réfugiés, tenue de la comptabilité idoine mais aussi oeuvrer clandestinement en trouvant des lieux de refuge " hiding," « le nerf de la guerre », l'argent indispensable à cette « résistance sauvage », les passeurs ( il y en eu quelques-uns de sûrs, d'autres mafieux, hâbleur aigrefins (La pègre marseillaise est, ici, fidèle à sa renommée !) qui mirent, plusieurs fois, l'organisation en péril), faire fabriquer et acheter de faux passeports, corrompre certains fonctionnaires, jongler avec les comptes d'une trésorerie occulte en effectuant , notamment, des transactions financières à base de trafics de devises. ..
Il explique aussi les difficultés rencontrées avec certaines personnalités qui refusaient de quitter la France dans des conditions précaires (voyage en troisième classe, sur des cargos surchargés) Certains à en vouloir trop, y laissèrent leur vie, au grand dam de l'organisation.
C'est cette tâche, souvent pharaonique et bien sûr très dangereuse qu'il tentera d'assumer au mieux jusqu'à ce 2 juin 1942 où la Police viendra lui signifier son accusation pour « atteinte à la sûreté de l'Etat ». Gaston Defferre son jeune avocat le fera sortir de prison.
Après le départ forcé de Varian Fry, l'entrée en guerre des Etats-Unis, le CAS pourra encore fonctionner sans trop de difficulté.
Mais, pour lui aussi, viendra le temps de « se mettre au vert » avec une "autre tête", muni de faux papier, d'une nouvelle identité, il est , Marcel Corblet, originaire d'Amiens . Il ira travailler sur un chantier forestier au nord de Draguignan, puis dans le Var dans la forêt du Pélenq, avec un autre patronyme , Jean-Daniel Benetti, cette-fois , natif de Corse, où il côtoiera des réfractaires, des juifs, des républicains espagnols. Il deviendra responsable ce chantier un peu particulier, en lien avec le maquis . Mais la Gestapo resserre les mailles. Il sera arrêté pour détention de faux papiers. Emprisonné à Brignoles, puis à Draguignan, enfin aux Baumettes à Marseille, il sera libéré par les FFI le 16 août 44.

Ce livre fourmille de renseignements particulièrement intéressants. Les photographies annexées sont aussi des témoignages fort.
Jean-Marie Guillon, professeur émérite en histoire contemporaine et Jean-Michel Guiraud , agrégé d'histoire ont enrichi ce récit par de très nombreuses annotations pertinentes et ont amender quelques points (peu) pour mieux respecter l'authenticité de cette période de l'Histoire .
Cette lecture a pris du temps, car au fur et à mesure des informations que je découvrais je n'avais de cesse de les exploiter et d'opérer d'autres investigations tant ce que je lisais me captivait.
Cet ouvrage est éditer dans la collection « Résistance » -liberté mémoire- que je ne connaissais pas ,
Il me reste d'autres titres tout aussi intéressants à découvrir !
Mes remerciements les plus chaleureux aux Editions le Felin et à Babelio.
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