Quand il désigne cette personne qui prend la mer, le terme de marin n'a pas de féminin. Et
Clarisse Crémer, franchissant la ligne du Vendée Globe en 2021 aurait bien voulu qu'il n'en soit pas question, pour se glisser tout simplement dans les rangs, non genrés, de ceux qui ont accompli l'exploit de faire le tour du monde en solitaire.
Or non seulement son retour sur la terre ferme n'a cessé de lui rappeler sa condition de femme dans un métier très masculin, les médias en font leurs choux gras, mais en outre elle s'est rendue compte que c'était à cette condition qu'elle avait dû d'avoir été sponsorisée. Et ironie du sort, c'est à cette même condition qu'elle dût d'être abandonnée, par le même sponsor. Car être femme c'est aussi et parfois être mère, une mère ne prendrait sans doute pas les mêmes risques qu'une femme sans enfant. Ne ferait donc pas le même spectacle dans les médias. Gardons à l'esprit que le mécénat n'a rien d'une entreprise philanthropique et qu'il s'agît bien de trouver une audience et le profit qui en découle.
Ce préambule un peu long pour une BD est pourtant ce que
Clarisse Crémer nous fait comprendre en autres choses, plus humaines celles-là, plus techniques aussi dans cette formidable aventure qu'est le tour du monde à la voile. Mais disons le aussi, qui ne serait pas possible sans ces mêmes sponsors.
Cette BD est absolument passionnante aux yeux du néophyte en matière de navigation que je suis. Elle est bien construite selon une trame chronologique, depuis la prise de décision, la préparation technique, physique, mentale, jusqu'à la course en elle-même et son prolongement : ce qui peut devenir une carrière de navigateur solitaire. Ce navigateur étant une navigatrice,
Clarisse Crémer, laquelle vient de se qualifier pour le prochain Vendée Globe (départ en novembre de cette année), au cours duquel elle affrontera entre autres le compagnon de sa vie Tanguy Leturquais.
A parler de BD il faut évoquer la partie graphique : la force du dessin de celle-ci est de faire passer des états d'âme, des émotions avec un graphisme qui peut paraître simpliste, presque naïf parfois. Il est toutefois très précis, jusqu'à être pédagogique quand il s'agit de décrire les aspects techniques de la discipline. le profane peut y apprendre énormément de chose sur les bateaux et la course au large.
Solitaire. Petit triangle de voile dans une grande page toute noire. Seul(e) dans la nuit face à l'océan. Face à l'univers peut-on extrapoler sans forcer le trait. le dessin décrit mieux que toute parole cette solitude. A la fois angoissante et grandissante de la personne face au monde vidé des autres, au monde si plein de mystère. Et c'est sans doute ce qui aspire le marin vers pareille épreuve. Seul(e) face à soi-même. Face à ce qui préside à la vie.
J'ai adoré cette BD. Elle est empreinte de réalité, de sincérité. On y perçoit à la fois la force et la faiblesse du personnage. Entre doute et détermination. Tout ce qui fait qu'une personne reste un être humain fût-elle devenue une vedette pour ses contemporains, un symbole, un exemple aussi peut-être. Un sujet d'admiration pour celui ou celle qui déplace des montagnes ou affronte les gigantesques déferlantes quand tant d'autres se contentent de vivre au jour le jour.
Beaucoup se sujets sont abordés dans cette BD de plus de deux cents pages écrite et dessinée à quatre mains avec
Maud Benezit, en particulier l'impact de l'Homme sur son environnement. Un ouvrage plein d'enseignements et d'émotions. Bravo pour l'initiative et sa réalisation.