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Critique de Renatan


« Amira a la beauté tragique de ces héroïnes qui souffrent du contraste entre l'infini du rêve et la pauvreté de leur existence de femmes esclaves, confinées dans l'univers étroit des convenances sociales. Quand elle me parlait avec fièvre, ses yeux trahissaient sa tristesse. Ces femmes prisonnières des apparences ne réalisent-elles pas qu'elles obéissent à un système dans lequel leurs semblables se consomment et se consument? »

À l'époque, j'avais lu ce livre afin de me souvenir. Pour ne jamais oublier toutes ces femmes et petites filles que j'ai eu la chance de croiser au détour d'un chemin et que la vie m'a offert le privilège d'accompagner. Femmes et filles mutilées dans ce qu'elles ont de plus intime, mais que jamais une tempête n'a freiné dans l'élan de croire en des lendemains meilleurs.

Djemila Benhabib fuit l'Algérie en 1994, alors que le pays est aux prises avec la montée de l'intégrisme musulman. Elle arrive au Québec en 1997 et figure maintenant parmi les plus grandes militantes politiques/féministes québécoises. Au printemps 2012, elle part au Caire et à Tunis. En traversant la Tunisie et l'Égypte, elle cherchera à s'enquérir de la situation des femmes et de leur aspiration à la liberté. Ces quelques récits de voyage sont le fruit d'une dure confrontation à la réalité de ce à quoi elles sont exposées en pays arabes et musulmans.

L'auteure rappelle que ce livre n'oppose pas les hommes aux femmes, ni même qu'il ne cherche à remplacer un coupable par un autre. Ce qu'il dénonce - et l'auteure part de ce principe pour orienter son analyse – est que si les hommes bénéficient d'un régime de faveur, ils sont aussi, à certains égards, prisonniers d'un système aliénant. Il n'en demeure pas moins que le sort des femmes est aussi destructeur qu'infériorisant, et qu'aucun homme musulman ne pourra prétendre à l'égalité des sexes si ce n'est qu'en se noyant dans l'obscurantisme…

Saviez-vous que le fait d'imposer aux femmes de porter la burqa ou le niqab leur offre « une expérience de liberté et d'élévation vers Allah »? Je ne m'en cache pas, bien sûr que ce genre de discours me fait réagir! Réaction de peine plus que de colère, celle de réaliser à quel point ces femmes ont intégré leur rôle. le visage est sans doute ce qui nous rattache le plus au monde. Et j'ai du mal à comprendre qu'au seul prix de nous priver de cette humanité notre existence devienne légitime.

Bien d'autres faits d'ailleurs me font réagir, et si je m'arrête à y réfléchir quelques secondes, je devrais pouvoir vous en trouver… le contrôle de la sexualité, le rôle de mère - une question de principe et non de choix - des emplois inférieurs, un refus à l'éducation, les tests de virginité, les mariages précoces, la polygamie, les inégalités sociales, la soumission, le trafic des femmes en fonction de leur beauté, leur âge……

Je disais, en préambule, qu'à l'époque j'avais lu ce livre afin de me souvenir. Pour ne jamais oublier toutes ces femmes et petites filles que j'ai eu le privilège d'accompagner. À vrai dire, je ne pourrai jamais oublier le visage terrifié de ces enfants qui, au retour du ramadan, s'étaient fait amputer le clitoris par des médecins imams illégaux aux seules fins de les priver de l'orgasme. Quand je prenais leurs petites mains fragiles dans les miennes, j'entendais les sanglots sourds retenus dans leur âme blessée. Et le jour où l'une d'elles a perdu connaissance dans mes bras tant la douleur était insupportable, j'ai été changée à jamais. Je venais de comprendre que la liberté est un droit, et que nous n'en sommes pas toutes au même point de départ…

Des femmes au printemps, parce que toutes les femmes sont belles et dignes d'être aimées…

« Quand plus de 90% des femmes mariées en Égypte ont subi une mutilation génitale au nom de la décence, alors sûrement, il est nécessaire que tous, nous blasphémions. Quand les femmes égyptiennes sont soumises à d'humiliants tests de virginité uniquement parce qu'elles ont osé prendre la parole, il n'est pas temps de se taire » - Mona Eltahawy

Lien : http://www.lamarreedesmots.c..
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