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Critique de magielivres


Paris, 1941.
" Souillé de croix gammées, l'Opéra Garnier était encore l'Opéra Garnier. Les étoiles ne cessent pas de briller lors des nuits de tempête."

Deux gamins facétieux se faufilent entre les jambes d'officiers en chemise brune, de dignitaires médaillés, de journalistes en vue et de joyeux mécènes. Lazare Besson, fils du concierge de l'Opéra, bénéficiait de passe-droit et en faisait profitait son ami, Émile Kunstler, dont le père était brodeur. " Mon père c'est rien qu'un couturier du flou. Il rapièce les trous, colle les plumes et raccourcit les manches. Mais qui sait ? Peut-être qu'un jour il deviendra tailleur étoile ? " Deux copains, qui avaient le palais Garnier comme terrain de jeux, Ils profitaient de ce privilège pour assister à toutes les représentations. Un grondement dysharmonique était nommé par Lazare " Prélude en ré des fesses pour instruments à vent ".

Émile, aimait tout de Lazare : son audace, sons sens de l'humour et la manière dont il le défendait à l'école. " La lumière s'éteignit, le rideau se leva et le spectacle, comme toujours, usurpa les haillons de la réalité. Dehors on pouvait bien raser des villes entières, creuser des fosses communes, y entasser les morts, sur scène, on déjouait l'horreur.
Entre deux rondes, créé quelques mois plus tôt, ouvrit le bal. Les enfants, penchés au balcon, oubliaient toute prudence, exaltés par la musique, la danse et les costumes."

Lazare émerveillé par le danseur étoile et maître de ballet, Serge Lifar, espérait de toute son âme en faire sa profession, il ne voulait pas finir Concierge comme son père. Émile, ne pouvait se targuer d'être beau, bossu, il ressemblait à son père, mêmes yeux bleus, la même chevelure châtain clair désordonnée, et bien sûr, le même dos tarabiscoté, sorte de marque de fabrique familiale. Il faudrait patienter une vingtaine d'années, avant qu'un certain Holger Werfel Scheuermann donne son nom à la déformation héréditaire qui affectait le dos des Kunstler de génération en génération.

Dans la loge numéro cinq de l'Opéra Garnier, insouciant de la tragédie qui va les séparer, Émile bondissait sur Lazare. Leurs éclats de rire se noyaient dans la clameur du public dont l'écho se perdait dans les pleurs et les cris d'un monde à l'agonie. Ensemble, ils se croient invulnérables, mais dans une ville occupée par les troupes allemandes, c'est un autre genre d'étoile qui menace Émile.

Paris, janvier 2022
A travers un rideau de larmes, Anna, fille de Pâris Besson regardait son grand-père, Lazare Besson, se recueillir, jetait une poignée de terre sur le cercueil d'Abel, son petit-fils. Beaucoup de monde au cimetière du Père-Lachaise. Toute la Compagnie de l'Opéra national de Paris, main dans la main, saluait Abel Besson une dernière fois. Triste ballet !

Lazare, entouré de Pâris, Christian, Gilles et Vincent, ses quatre fils, formaient un rempart entre la mort et le reste du clan Besson qui se tenait derrière. Il avait consacré son existence au Palais. Il y avait vécu et exercé le métier de concierge, en digne successeur de son propre père. Hissant cette humble fonction à son plus haut niveau. Il était devenu l'ami intime des artistes et des hommes de pouvoir. Ce qui l'avait rendu fier, au-delà de toutes ses espérances, ce sont ces deux premiers fils, l'aîné, Pâris, devenu danseur étoile et maître de ballet de l'Opéra national de Paris, connu dans le monde entier, et Christian, son cadet, qui avait endossé la fonction de directeur général de ce même Opéra.

Anna, première petite-fille de Lazare, ne pouvant devenir danseuse, poussée par son père, est devenue la maquilleuse en chef de cet endroit magnifique, mais il fallait qu'elle se batte chaque jour, contre ce monde d'hommes et ces frères, qui se soutenaient, même face à leurs propres enfants. Elle avait toujours souffert du syndrome de l'imposteur. On l'aimait parce qu'elle était la fille du beau Pâris. Si elle dirigeait l'équipe de maquillage de l'Opéra Garnier, c'était sans doute à la faveur de son père, de son grand-père…

Un jour, son père lui propose une tâche très différente de ses expériences passées, l'occasion d'une vie, il ne s'agissait plus d'orchestrer une fête de famille chez les Besson, ni même d'organiser pour l'ambassade américaine un récital privé avec quelques danseuses. Il lui faudrait élaborer le cent cinquantième anniversaire de l'Opéra Garnier, soit la manifestation la plus importante des cinquante dernières années. C'était une commémoration nationale, de portée internationale. Elle aurait des dizaines et des dizaines de personnes sous ses ordres et non six maquilleuses.

Une fierté et un enjeu énorme, il fallait qu'elle assure. C'était sans compter, sur l'appétit d'un de ses oncles, qui voulait lui ravir la place, il faudra de nouveau qu'elle ait le courage de se battre contre ce patriarcat, qui pensait qu'elle était trop jeune, que ce n'était pas la place d'une femme. " A l'ombre d'un chêne centenaire, près de la côte la plus septentrionale de sa conscience, se tenait un vieil homme, le dos voûté, les dents jaunies. Il jouait un air de violon d'une infinie tristesse. A sa ceinture cliquetait l'unique clé qu'il possédait. Lui savait ce qui tracassait Anna. Un orage nommé Christian passait au maquillage pour se farder de noir, de suie, de sang et de larmes. La tempête qui avait commencé et qui n'était pour l'instant qu'une touche grisâtre dans l'azur éclatant ne serait pas une vulgaire intempérie, mais un tohu-bohu de tous les diables." le dibbouk, veillait.

Pour Anna, un marathon se préparait, une course d'endurance dont la ligne d'arrivée serait la soirée de gala du samedi 11 janvier 2025, point culminant de cette célébration.

Ce qui fait briller les étoiles de Aurélien Benoilid et Maud Nisand, une très belle saga familiale entre deux époques, qui a pour tableau l'Opéra Garnier, ses danseurs, ses représentations. En un mot, c'est leur joyau. Une journée particulière réunit aussi cette famille, en faisant fi de leurs jalousies et désaccords, c'est Pâques, une fête plus importante que toutes les autres, qui se déroule à la Bessonnière, fief du grand-père Lazare à Pornichet. (j'adore)

Un excellent roman, avec pour pivot la danse et la famille, au cours de ma lecture, je me suis posée quelques questions, je n'ai eu la réponse qu'à la fin et je ne m'y attendais pas du tout. Bonne lecture à tous.


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