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Critique de Aderu


Aderu
17 novembre 2020
Être en territoire ennemi et à la maison en même temps. Cela pourrait résumer le paradoxe si prégnant que Chanelle Benz dépeint dans ce roman.

Dans le moite delta du Mississippi, en 2003, Billie James revient suite à un héritage. Une trentaine d'années après la mort de son père.
Il était noir. Un poète. Sa notoriété était croissante. Il avait quitté le delta natal pour New-York. Mais il est revenu. Et il y est mort.
Que s'est-il passé cette nuit-là ? C'est la question qui traverse le roman.

De nombreux dialogues sont l'occasion de peindre le tableau de ce Sud qui peine à se sortir de la gangue de son passé mythifié. Des réflexions extrêmement intéressantes, notamment sur le retour de la guerre des soldats noirs à la fin des années 40. N'ayant pas directement participé aux combats (la plupart du temps), ils n'en reviennent pas avec le bagage qu'auront ceux qui serviront au Vietnam. Au Mississippi, comme ailleurs, l'on s'inquiétera de leur propension potentielle à réclamer plus de droits et la tension montera en flèche, devant l'arrogance présumée de ces jeunes hommes métamorphosés par la découverte d'autres continents. Les lynchages exploseront.
Bien d'autres phrases, références, citations disséminées tout au long de l'ouvrage donnent au roman une solide fondation historique.
Le fait de faire du père un poète permet également d'aborder la question de l'art et plus particulièrement de l'écriture, par le biais d'un des personnages secondaires.
La mère, elle aussi décédée, était pour sa part une universitaire. Une médiéviste. Ce qui donne lieu à de savoureux impromptus, sur la peste notamment.

Que valait la vie d'un Noir ? Que vaut la vie d'un Noir ?
Ce sont des questions que posent le roman.
Du sociétal à l'intime, Chanelle Benz développe aussi le portrait d'une famille déchirée par le silence. le silence des morts et celui des secrets.

J'ai beaucoup aimé les dialogues et la narration qui, comme "en vrai" passent parfois du coq à l'âne, ou font avancer deux sujets en parallèle, alternativement. Cela demande un petit ajustement au niveau de la lecture, mais une fois cela fait, c'est un vrai plaisir.
De la même manière, il faut parfois quelques lignes pour se situer au démarrage d'un chapitre. Mais rien de très exigeant.

Il y a de nombreuses formules qui font mouche, d'images admirablement bien trouvées pour exprimer des sensations précises et immédiatement perceptibles.
Je lirai avec grand intérêt son recueil de nouvelles.

Derrière son magnifique titre se cache un non moins magnifique roman sur la mémoire, le racisme et la lutte. Et donc sur l'oubli, l'entraide et la justice. Je le recommande vivement. Chanelle Benz frappe fort.

Lu parce qu'attiré par le titre et la couverture, puis par les premiers mots de la quatrième de couverture. Je ne recommande d'ailleurs pas particulièrement sa lecture, parce qu'elle annonce l'arrivée d'un personnage qui n'apparaît qu'au tiers du roman.
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