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Critique de ALDAMO21


« Lettres à Nour » de Rachid Benzine, n'est pas vraiment un roman mais une correspondance fictive, que l'auteur a imaginé avoir avec sa fille.
Ce qui donne de la puissance et de l'émotion à ce récit, c'est cet échange d'amour et aussi d'incompréhension complète, entre un père, brillant universitaire et grand philosophe musulman et sa fille de 20 ans partie brusquement en Irak rejoindre Daech.

Des lettres avec de la tendresse et avec aussi de la cruauté, où chacun se conforte, se campe sur ses positions, où chacun pense qu'il est dans La vérité, dans Sa vérité en s'écrivant, en s'envoyant comme des poignards, tous les arguments possibles pour justifier leur position, leur action et leur choix de vie.
Deux extrêmes séparés par cette abyssale différence idéologique, mais liés par un fil fragile d'un amour puissant d'un père envers sa fille, d'une fille envers son père, comme un infime espoir que rien n'est tout à fait perdu d'avance. Qu'une réconciliation est toujours possible.

Deux extrêmes qui s'affrontent avec parfois cette brutalité due au désespoir et à la colère. Avec un père épris de liberté et de tolérance, qui culpabilise de n'avoir rien vu venir. Un père qui était en admiration devant sa fille chérie et qui ne comprend plus, qui pense même à une punition divine. Un père qui parle de la vie, de l'amour, de la joie, du rire et qui prévient sa fille que la haine ne mène qu'à la mort et de la désolation. Un père qui parle de la barbarie de Daech, de ses crimes perpétués au nom d'Allah, de la terreur qu'il fait vivre à ses propres frères musulmans. de l'enfermement et de l'isolement où se trouve Daech pour avoir décidé d'une autre lecture du Coran.

Et Nour, sa fille, fortifiée par ses certitudes qu'elle a rejoint le bon camp, le plus vertueux face à la perversité, la débauche et la corruption de l'occident.
Une fille qui ne cesse de louer les actions de Daech, ce groupe hommes libérateurs qui combattent toutes oppressions, qui vont purifier la terre de tous les impies, de tous les mauvais musulmans. Qui iront bientôt libérer leurs frères palestiniens opprimés par l'état d'Israël avec la bienveillance des pays occidentaux. Qui vont rétablir un paradis terrestre.

Nour qui dénonce la domination de la communication par les occidentaux.
Nour qui dénonce l'occupation meurtrière de l'armée américaine, de leurs alliés, qui dénonce ces drones qui massacrent toujours un peu plus, des centaines d'innocents que personne ne pleure.
Nour qui s'interroge que des chefs d'état se déplacent et fassent pleurer la planète entière pour quelques occidentaux de tués, alors qu'on ne s'émeut plus des milliers de martyrs syriens, irakiens ou libyens.
Nour qui demande à son père qu'il respecte sa liberté de penser, qu'il accepte aussi sa liberté de lire et d'interpréter le Coran.
Nour qui va bientôt être enceinte de l'homme appartenant à l'Etat Islamique, qu'elle a épousé en Irak.

Reste la fin de ce récit, qui est à la fois terrifiant pour Nour, mais d'un imprévu plus doux pour son père. Cette fin est, à mon avis, presque irréelle par ce retournement brusque et improbable de situation.
A moins que l'auteur Rachid Benzine, ait voulu nous transmettre le plus beaux des messages d'amour et d'espoir, comme un appel à l'ouverture de nos consciences.

« Lettres à Nour » est bien sûr une histoire imaginée par son auteur, mais c'est aussi un terrible drame d'aujourd'hui. Celui qui est vécu réellement dans certaines familles musulmanes.

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