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Critique de Enroute


Bergson n'aime pas les conceptions mécanistes de l'évolution de Darwin et de Spencer. Ce que les biologistes ne voient pas, c'est que leur conception de la différenciation n'a de sens que ramenée à un mouvement unitaire et continu qu'ils prétendent éluder au profit d'une savante mécanique aveugle qui agirait par causalité. C'est l'intelligence qui est responsable de cette illusion, celle que l'on puisse saisir de l'instable et du mouvement à partir du stable et de l'inerte, ce que font les biologistes en étudiant des êtres vivants singuliers et en prétendant deviner ce qu'il se passe - ou s'est passé - entre eux.

C'est que l'intelligence est spatialité et qu'elle se sent particulièrement à son aise dans le travail de découpage et de décomposition de la seule réalité qui soit, le mouvement. A partir de ses pièces découpées, l'intelligence s'amuse alors à inventer des systèmes, aussi froids, inertes et morts que les morceaux de réalité qu'elle étudie. Au contraire, pour comprendre la réalité, qui est vivante, il faut exercer l'intuition.

C'est pour cela que pour Bergson, la théorie de l'évolution, si elle existe, ne peut être mécaniste (causalité) ni finaliste (elle travaille en vue d'une fin ultime), elle doit être conscience, qui est la seule manière de comprendre comment les êtres vivants poursuivent leur existence, c'est-à-dire en suivant le mouvement de la vie collé à la réalité. L'évolution est donc une création perpétuelle de solutions par des êtres vivants conscients. S'il n'y avait pas création, la réalité serait donnée tout d'un coup comme sur une pellicule cinématographique. Puisque ce n'est pas le cas, c'est bien que l'avenir reste indéterminé et soumis à l'action de la conscience.

Ainsi, le mouvement général, cet élan de vie qui soulève la matière pesante qui suit un mouvement descendant, ne peut qu'être un mouvement d'élévation, un cheminement vers la liberté dont la conscience humaine, la plus développée, est à la fois l'aboutissement et l'instrument.

On lit ça et là que l'écriture de Bergson est fluide et limpide, mais ce n'est pas mon opinion. Au contraire, il est difficile à "accrocher", et l'on est sans cesse dévié par des images, des métaphores, des sujets annexes qui ne viennent qu'avec une réflexion supplémentaire se rattacher au fil du discours. Il est vrai que l'écriture est souvent belle et, en un sens, monumentale, mais l'ensemble du propos reste, je trouve, décousu, ou manque d'uniformité. L'impression vient cependant à la lecture de Bergson que Sartre et Merleau-Ponty y ont puisé une part importante de leur inspiration (le néant, la conscience agissante, le corps propre, la spatialité, etc.). Très beau texte en tous les cas, mais à relire, sans doute, du fait de son hétérogénéité.
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