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Critique de zazy


« Dans ce lieu isolé où le ciel était le plus souvent chargé de nuages bas, il ne se passait jamais rien. Les gamines n'allaient plus tarder à faire leur communion, et elles s'ennuyaient ». Même pas la possibilité de s'échapper pour aller à l'école, c'est la grand-mère qui leur donne des cours. C'est-à-dire que les gamines apprennent par coeur ce que la grand-mère a étudié dans le manuel scolaire « Interdit à la vente » la veille au soir lorsque toute la maisonnée est endormie.
Elevées par leurs grands-parents dans une ferme isolée, il y a de quoi s'ennuyer ferme. Seul, le colporteur raconte dans chaque maison, les mauvaises nouvelles du monde. « Heureusement, nous vivons dans un pays où ces agitateurs publics n'existent pas. Ici, nous avons de quoi manger et vous vêtir même si les terres cultivables sont rares. »
La nature sauvage et austère a façonné les personnages âpres, durs. Pourtant, ils savent être accueillants lorsque des promeneurs, comme les deux anglais, arrivent. Ils partagent la pitance des fermiers sans que leur soit posé une question.
La guerre éclate et l'Islande devient base anglaise puis américaine. Imaginez le changement. Les islandais passent subitement du XIXème siècle au XXème. L'Islande, occupée perd son intégrité. L'argent devient facile pour ceux et celles qui travaillent ou flirtent avec l'occupant.
La dernière guerre mondiale permet à l'Islande d'entrer dans le monde moderne avec, en contre partie, la perte de son âme.
Le roman balaie cette période de grands changements depuis la seconde guerre mondiale jusqu'à nos jours et l'arrivée du tourisme de « masse », l'utilisation de la géothermie, une modernisation à marche forcée. "Cette guerre est une aubaine. Vous ne le comprenez pas ? Si seulement elle nous permettait d'entrer de plain-pied dans le présent. Ce serait un miracle pour la couronne islandaise".

Gudbergur Bergsson observe une certaine distanciation avec les personnages de ce roman jamais nommé autrement que par leur lien de filiation. Ainsi, le gamin reste toujours le gamin, même adulte ce qui désoriente quelque peu lorsqu'il transforme, après guerre, avec la soeur de sa belle-mère, la ferme en hôtel de luxe. D'ailleurs, il me semble que cette ferme qui dans les années quarante n'avait pas l'électricité, où les gens vivaient en autarcie, devient, après sa transformation, symbole du modernisme à marche forcée. le travail à la ferme ne paie pas, le tourisme, si. La ferme du bout du monde est devenue « hôtel biodynamique » auprès des touristes étrangers ou locaux.
Au fond de lui, le gamin n'a pas changé, il rigole en lisant ce genre de commentaires sur le livre d'or de l'hôtel : « Il ne manquait ici qu'un terrain de golf et, peut-être, un aérodrome qui permettrait aux millionnaires de venir en jet privé pour goûter la quiétude de cette merveilleuse nature » ! Il regrette le temps où les promeneurs étaient accueillis à la ferme sans que rien ne leur soit demandé. Il ne retrouve plus cette entraide qu'il affectionne.
Dans le livre, les femmes tirent leur épingle du jeu et prennent les rennes de leurs vies et du commerce dans le cas du gamin.
L'auteur traduit très bien la nudité, l'immensité superbe du paysage, la solitude qui en découle. Son écriture est dépouillée comme les paysages islandais. L'ennui des deux gamines est palpable, la haine du fils pour les yankees aussi. J'ai retrouvé l'atmosphère de l'occupation découverte dans les livres de Svava Jakobsdottir, un locataire, ou les deux premiers tomes de la trilogie Arnaldur Indridason. Une histoire d'amour-haine entre l'occupant et les islandais.
Une image forte ; Pour moi, le fils, remarié avec une islandaise, se trouve « remisé » dans la chaufferie sur un grabat lorsqu'il devient impotent représente l'Islande traditionnelle alors que sa femme, représente l'Islande nouvelle.
Une lecture très intéressante.

Lien : http://zazymut.over-blog.com..
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