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Critique de nadejda


Une grande émotion pleine d'admiration à la lecture de ce livre que je trouve proche de la perfection quant au style, à l'équilibre dans sa composition et à la beauté qu'il fait naître à chaque page.
Trois parties, trois prénoms : Frédéric, Camille, Claude. La plus développée, centrale, est celle consacrée à Camille, à la vie de Monet auprès d'elle, entourée de Frédéric l'ami mort lors de la guerre de 1870 et de Claude, Claude Monet qui survit à Camille et va offrir les nymphéas à la France après la guerre de 14-18 à une condition, que l'état accepte d'acquérir "Femmes au jardin" tableau que Frédéric Bazille avait acquis pour que Monet ne meurt pas de faim, que Manet aura en sa possession, revenu ensuite à Monet. ; tableau qui fait le lien entre tous ces amis, tableau où figure Bazille, Camille-Gabrielle modèle qu'aimait Frédéric...

Michel Bernard nous fait épouser la vie de Monet à travers ses tableaux rayonnant d'une joie lumineuse. Monet jouit de la vie, de la fugacité de la lumière qui nimbe des instants précieux vite disparus qu'il parvient à fixer sans les figer. Sa vie et ses tableaux ne font q'un. Avec délicatesse l'auteur sait traduire la plénitude dont Camille entoure Monet qui lui permet de donner tout à la création.
De Camille émane une douceur sereine qui permet à Monet de créer dans une atmosphère de quiétude aimante. "Camille était son talisman" p 118
"Renoir disait de son ami que "Monet ne peignait que ce qu'il aimait, qu'il aimait profondément, qu'il n'avait rien appris dans l'atelier du père Gleyre, rien appris nulle part. Son seul maître, c'était l'amour, l'amour de ce qu'il avait sous les yeux et qui était beau. "Et comme il a beaucoup d'amour, il est un grand peintre, un très grand peintre." p 104
En quelques coups de brosse, Renoir saisissait le rosissement de Camille. C'était vrai qu'elle avait quelque chose de spécial. de l'âme de cette femme était passée dans la peinture de Claude Monet, son mari."
Dans sa vieillesse Claude Monet se souvient que "Autrefois, à part Renoir, Sisley, Bazille et Manet, ses camarades de jeunesse, Camille avait été l'unique présence supportable au moment où il peignait. Sans le lui dire, au contraire, il aimait et désirait que Camille se tienne près de lui. Il travaillait plus sereinement. Elle absorbait son angoisse, le rassurait. Il sentait le silence de sa femme éponger l'inquiétude de son âme. Il n'avait jamais su le lui dire autrement que dans la violence de l'amour."

Michel Bernard en saisissant la vie de Monet comme un tout, sa passion pour la peinture se confondant avec son amour pour Camille et pour le monde qui l'entoure, nous fait entrer dans cet univers lumineux pour en partager la beauté mais aussi la souffrance car l'artiste est en guerre, en guerre avec lui-même pour créer, pour extraire la beauté de la confusion. Il a l'intuition de ce qu'il souhaite mais le chemin à suivre pour y parvenir se fait à tâtons en détruisant et recommençant, à part lors de quelques moments de grâce comme la pie, la robe verte, Camille derrière la vitre en hiver qui sont nés dans une fulgurance.

"Il habitait ses tableaux et connaissait par coeur le corps de son modèle. La femme élégante qui les traversait, dont l'ombrelle prenait autant de blanc qu'un nuage, était la sienne, l'enfant nageant dans les herbes était le sien. Il respirait l'air qu'il peignait et s'y représentait lui-même et l'intérieur de lui-même, son rêve et la beauté des choses." p 96

Si la lutte pour la création est invisible aux regards extérieurs, elle n'en est pas moins violente, elle consume celui qui la mène. La guerre elle-aussi détruit mais sans offrir au monde la moindre beauté. Semeuse de mort comme la maladie.
C'est la mort des êtres chers qui fait naître le remords, le remords de n'avoir pu les sauver.

"Les deux remords de Claude Monet" se clôt sur l'amitié qui lia Clémenceau et Monet :
"Un jour de décembre 1914, un peu avant le premier Noël dans les tranchées, Clémenceau, en route vers sa résidence de Bernouville, en Normandie, avait fait halte à Giverny."
Monet à table avait parlé (à son vieil ami Clémenceau) de son projet, affermi pendant l'automne : reprendre le chemin de l'étang, poursuivre ses travaux sur les nymphéas, mais à grande échelle" et " Clémenceau songea au général qu'il avait vu la veille, lors d'une réunion de la commission de la guerre, désigner sur une cartes les objectifs des prochaines attaques françaises, tirer des lignes et frapper du bout des doigts les crêtes tenues par les Allemands. Monet, qui allait se battre avec l'inconnu, était plus convaincant" p 191
Clémenceau va soutenir et aider Monet car "Il comprit ce jour-là, avant le peintre lui-même, le projet grandi dans sa rumination et sa volonté..."

Et voilà de quoi abolir tous remords, cet extrait d'une lettre de Clémenceau à son vieil ami :
"Jusqu'à la dernière minute de votre vie, vous tenterez, et vous achèverez ainsi le plus beau cycle de labeur. Je vous aime parce que vous êtes vous et que vous m'avez appris à comprendre la lumière. Vous m'avez ainsi augmenté. Tout mon regret est de ne pouvoir vous le rendre. Peignez, peignez toujours jusqu'à ce que la toile en crève. Mes yeux ont besoin de votre couleur et mon coeur est heureux."
(cité par Alexandre Duval-Stalla dans "Claude Monet - Georges Clémenceau, Une histoire, deux caractères)

Moi-aussi je ressors de cette lecture avec les yeux pleins de couleurs et le coeur heureux et j'en remercie Babelio et les éditions de la Table Ronde qui me l'ont offerte.
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