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Citations sur Deux remords de Claude Monet (88)

C’était là, dans ce climat, devant ces paysages, qu’il sentait sa manière s’épanouir, entrer en accord intime avec le monde. Ses meilleurs tableaux, les plus ressemblants à lui-même, il les avait faits ici. Le mot « lumière » qu’il disait à Paris quand il parlait peinture avec ses camarades d’atelier et ses amis, Monet, Renoir et Sisley, ce mot qui exprimait ce qu’il voulait, comme eux, saisir et rendre sur la toile, c’est ici qu’il s’était gorgé de sens, de matière. Il lui semblait que son sang était mêlé de cette lumière du Midi. Sa peau l’aimait.

À propos du peintre Frédéric Bazille
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Descendu avec la nuit, le froid avait arrêté le temps. La plaine bleuie éclairait le ciel, cuivrait le ventre des nuages. Il n'entendait que ses pas dans la neige, le crissement de la glace écrasée par ses souliers, un chien qui aboyait, une galopade d'écoliers en sabot, la buée de leurs souffles, et, coulée entre les rideaux, répandue sur les jardinets étouffés, la lumière venue des fenêtres des villas. Il restait un moment devant la sienne à regarder l'intérieur des pièces dans lesquelles il allait rejoindre les silhouettes familières qui glissaient d'une pièce à l'autre. Il restait là, voyageur au seuil de sa maison, et goûtait dans le froid et l'obscurité la certitude de la petite main de son fils et du baiser de sa femme. p 95
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Frédéric était heureux de retrouver le pays natal, la sèche odeur du thym, le parfum de la lavande et l'amertume exaltée du buis, l'assourdissant cisaillement des cigales. Il évaluait le gris poussière et le noir des plantes grandies dans les plis du roc éblouissant, le bleu presque blanc du ciel du matin, filé des reflets verts de la mer proche, et en dessous, dans l'ordre que leur avait donné son père, les longs traits de la vigne.
(...) C'était là, dans ce climat, devant ces paysages, qu'il sentait sa manière s'épanouir, entrer en accord intime avec le monde. Ses meilleurs tableaux, les plus ressemblants à lui-même, ils les avait faits ici. Le mot "lumière" qu'il disait à Paris quand il parlait peinture avec ses camarades d'ateliers et ses amis, Monet, Renoir, Sisley, ce mot qui exprimait ce qu'il voulait, comme eux saisir et rendre sur la toile, c'est ici qu'il s'était gorgé de sens, de matière. Il lui semblait que son sang était mêlé de cette lumière du midi. Sa peau l'aimait. p 20-21
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C’est ce qu’il y a de plus difficile, ne rien faire. L’angoisse vient, vous envahit, vous tient. Et il faut pourtant rester là, à s’occuper de pas grand-chose, à feuilleter un livre d’images, tapoter le baromètre, faire un tour en voiture sans raison, se promener au bord de l’Epte ou des falaises, les mains dans les poches, en suivant du regard la fuite d’un chevesne, les ronds sur l’eau d’un voile de pluie, la trajectoire d’un geai, parce que c’est à ce moment-là, dans l’angoisse de ne rien faire, qu’on peint vraiment.
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L'agitation vaine et désordonnée de la Commune et son impitoyable répression avaient été une source de scandale pour les Anglais et d'humiliation supplémentaire pour les expatriés. Monet ne supportait plus sa vie à Londres. L'aigre printemps qui faisait grincer le vent dans les arbres de Kensington n'y avait rien changé. Il fallait partir . Rentrer en France ? A l'énoncé du mot, lui venaient des odeurs de sang et les cris exaspérés de furieux. On y persécutait maintenant Courbet. On l'aurait même fusillé, disait-on, ce grand et généreux imbécile qui, en quelques tableaux, avait plus fait pour la gloire de la France que tout le gouvernement réuni autour d'Adolphe Thiers. Il revoyait de mémoire "L'enterrement à Ornans" : ces gens recueillis autour de la fosse, leur digne douleur, quelques mots du prêtre dans le silence, la croix dorée que tient un enfant de chœur. Au-dessus d'eux, la falaise de craie, depuis des millions d'années, éclaire l'étroite vallée et, la nuit, réfléchit sur les toits de leurs maisons endormies un peu de la chaleur du jour passé. Il pensa à Frédéric (Bazille) qui n'avait eu de linceul que la neige de décembre, et de tombe, que le trou dans la terre où l'on jetait les corps des tués.

page - 81 - Je dois mon amour de la peinture à Courbet. J'ai découvert à 8 ans dans le Larousse " l'Atelier du Peintre" qui fut pour moi une source d'émerveillement.
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Guerre franco-prussienne 1870 - page 13

L'abbé avait demandé à deux des hommes qui avaient creusé la fosse, nommés Arrault et Toussaint, de les accompagner. Gaston Bazille leur avait promis quarante francs pour qu'ils refassent, à l'envers, les gestes accomplis la veille sous la contrainte. De leurs pelles, ils avaient décapé la couche de givre et l'abbé avait déplanté la croix de bois provisoire du tumulus. Les deux fossoyeurs de hasard fouillèrent jusqu'à ce que le bleu des dolmans et le rouge des culottes affleurent. En travaillant, avec précaution, ils approchaient les fers de leurs outils des mains et des têtes des soldats morts, nues dans la terre.

Enfin apparut le cadavre du grand zouave dont parlait l'abbé. Le froid intense avait parfaitement conservé l'aspect du mort. Les deux hommes laissèrent leurs outils pour le dégager manuellement, l'empoignèrent aux jambes et aux épaules, le hissèrent doucement. Ses galons neuf de sous-lieutenant faisaient poindre des reflets d'or insolites parmi les silhouettes en noir dans le jour sans soleil. En deux endroits, marqués de larges taches sombres durcies par le gel, le sang avait imbibé le tissu de l'uniforme : sur une manche trouée par une balle, sur sa capote et sa chemise déboutonnées, à l'endroit de la blessure au ventre dont il était mort. Sa barbe châtain était mêlée d'humus. Comme personne n'avait fermé ses paupières après l'agonie, au milieu du marbre du visage les yeux, sans regard, étaient ouverts sur le ciel. La ressemblance entre entre le mort et le vivant était évidente. Gaston Bazille tomba à genoux, au pied des trois hommes. Il saisit la main droite de son fils et, en se courbant, replié sur lui-même, pressa ses lèvres dessus. Il étouffait sa plainte. Les assistants, des hommes rudes, en avaient beaucoup vu depuis huit jours ; ils furent surpris et soulagés de leurs propres larmes.
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De l'âme de cette femme était passée dans la peinture de Claude Monet, son mari.
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Clémenceau à Monet :

Le dimanche suivant, sur le pont japonais, il avait raconté la scène à son ami qui regardait les herbes osciller sous l'eau au mouvement rêveur des poissons. Les nénuphars avaient fleuri, flammes blanches et roses, fraîches pour l'œil. "Alors, c'était un jeune soldat ? J'espère pour lui qu'il verra la fin de la guerre et la victoire. Son geste, peut-être, lui portera chance." Clémenceau le regarda. "Je l'espère aussi mais il y aura encore beaucoup de morts avant la fin et, tu le sais bien, tu le sais mieux que personne : ce sont les plus courageux, les plus généreux, les plus nobles qui meurent en premier. Souviens-toi.... Chaque matin, je la vois, cette tragédie. Elle est invisible dans les chiffres et les statistiques qu'on m'apporte mais je la vois et tu la lirais dans les journaux s'ils disaient toute la vérité. La France a déjà perdu le meilleur de son avenir. On la gagnera cette fichue guerre mais qu'est-ce qu'elle nous aura coûté cher. Comme le pays, j'en meurs chaque jour."

Page 199
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Il peignait ce qu’il voyait et c’était chaque soir le désespoir de n’avoir pu fixer l’impossible, le reflet d’acier sur la mer soudain révélé par une déchirure dans l’amoncellement de nuages, les lèvres d’argent de la blessure et le faisceau de clarté qui en tombait…. Comme le jour recommence chaque jour, il recommençait.
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Comme personne n'avait fermé ses paupières après l'agonie, au milieu du marbre du visage les yeux sans regard étaient ouverts sur le ciel. Leurs pupilles à peine piquetées de grains de terre étaient du même bleu que celles du père. La ressemblance entre le mort et le vivant était évidente. Gaston Bazille tomba à genoux, au pied des trois hommes. Il saisit la main droite de son fils et, en se courbant, replié sur lui même, pressa ses lèvres dessus. Il étouffait sa plainte. Les assistants, des hommes rudes, en avaient beaucoup vu depuis huit jours; ils furent surpris et soulagés de leurs propres larmes.
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