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Critique de CarolineSoledad


"Au coeur de la forêt, l'éternité", préquelle de "Quand s'abat la nuit", c'est l'histoire croisée de deux êtres à la marge, qui trouvent dans une autre vie, promise à l'éternité, la source d'un empouvoirement qui leur était dénié dans la société et les époques respectives dont ils sont issus.

Phil, pour Philéa et Philippe, personnage intersexe en un siècle où le mot pour le dire n'existait pas encore. Genré au masculin par son père, plus parce que les lois genrées lui seront plus clémentes ainsi que par réelle identification à un genre binaire ou à un autre, Phil ne rentre pourtant pas dans les codes, tant par ses goûts et aptitudes que par son apparence physique.
Malgré la bienveillance de ses parents, sa différence, pas complètement dissimulable, lui fera tant perdre que le jour où une étrange fillette lui propose un cadeau plus étrange encore… pourquoi ne pas se laisser tenter ? Il n'y a rien à perdre, et tout à gagner. Mais comment ne pas se laisser enivrer par cette puissance nouvelle lorsque toute son existence on aura senti le poids de la différence, de ne pas être « assez » ?

La seconde partie de la novella nous raconte l'histoire de Linna, une enchanteresse qui, seule depuis la mort de ses parents, recluse au fond des bois, prépare décoctions et remèdes pour ceux et surtout celles qui la consultent en secret. Une vie solitaire, au contact de la nature, qui lui convient parfaitement, mais… ne plaît pas à tout le monde. Malgré les tentatives amicales, ou beaucoup moins (la très désagréable sensation de regards indésirés sur sa personne, très bien exprimée dans le texte, n'est encore que le moindre manque de respect qu'elle subit), de la faire rentrer dans le rang, Linna n'entend rien changer à son mode de vie et encore moins se marier. Au XVIIIe siècle, on ne lui pardonnera pas cette liberté. Elle aussi, pourtant, aura droit à une seconde chance… toute relative…

La plume d'Éloïse est toujours aussi juste et poétique, parfaite pour créer une atmosphère onirique comme l'empreinte d'une ancienne mémoire, tout en posant les mots précis et crus sur certains temps forts du texte.

Très habilement, l'autrice nous montre les contradictions de Phil, que sa volonté de puissance pousse à manipuler, à prendre l'autre sous son emprise, alors même que ce sont la liberté et la force de cette autre qui l'ont intéressé en premier lieu.
Le thème du vampirisme est extrêmement intéressant en ce sens, car il amène en effet à explorer ces thématiques de l'emprise, du pouvoir, de la manipulation, du fait même de l'aura très puissante que confère le statut de vampire, sans compter le fait qu'ils peuvent vous affaiblir ou vous tuer en buvant votre sang (ce que l'on retrouve aussi en un sens figuré chez les vampires énergétiques de la vie « réelle »…)
Cette thématique est donc la porte ouverte à toutes les toxicités, et c'est précisément ce qui me cause souvent une certaine réticence à lire des histoires de vampires. En lisant Éloïse, dont je connaissais déjà la plume et les univers, j'étais sûre et certaine de ne pas trouver de romantisation de la toxicité et de la manipulation. Loin de là, ces thèmes sont traités avec beaucoup de finesse et de subtilité. On comprend, sans juger ni excuser, le cheminement du personnage.

Quant à Linna, elle ne sera jamais totalement sous emprise, et attend déjà le jour où, elle aussi, pourra exercer sa pleine puissance et reprendre sa liberté. Pour savoir si elle saura en faire usage autrement, rendez-vous un siècle ou deux plus tard, dans "Quand s'abat la nuit" !
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