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Critique de candlemas


LE Berstein et Milza est une référence indiscutable pour comprendre L Histoire contemporaine, mais il est utile aussi de se rappeler que ces deux professeurs émérites de Sciences Po ont aussi une histoire personnelle. Tous deux nés au début des années 30, ils posent un regard "concerné"sur les évolutions économiques, sociales, de politique intérieure et internationale de notre pays. Ainsi, le premier, d'abord professeur en lycée, a largement contribué à l'histoire du radicalisme et de la IIIème république en France, le second, qui a démarré comme instituteur, al longuement creusé son passé de fils d'immigré italien et, ce faisant, le mouvement fasciste en France et en Italie. Il est décédé le 28 février 2018, et méritait bien ces quelques mots.

En ce qui concerne ce tome 3 de l'Histoire du XXème siècle, pédagogique et synthétique comme l'ensemble de la collection, outre qu'il couvre la période de 1953 au début des années 80, il s'intitule aussi Crise et Croissance. Lire ou relire cet ouvrage généraliste de qualité -quand on a passé l'âge du sinistre travail de mémorisation d'étudiant- permet, comme toujours dans cette matière, de se rappler d'où l'on vient.

Ainsi, les générations du baby-boom (celle de mes parents) ont connu cette formidable époque que Berstein et Milza ont qualifié d'âge d'or des pays industriels, où la course à la puissance des Etats dominants dopait la recherche scientifique et technologique. Rares parmi leurs contemporains furent ceux qui ont vu poindre les effets pervers sur l'environnement, l'éthique ou sur le rapport des hommes au travail du développement du nucléaire, de la recherche spatiale et génétique, de la révolution de transports et telecommunications. L'époque s'enthousiasme alors pour les applications à venir des puces ou du laser.

Ainsi ont-elles également connu le capitalisme et la société de consommation triomphants, portés par une croissance aux replis presque anecdotiques, grâce aux relances keynésiennes des Etats, et par un dollar encore tellement dominant qu'il s'investit généreusement dans le monde entier, sans craindre les inégalités croissantes à l'échelle mondiale, ni l'émergence de puissances concurrentes. Peu doutent alors des vertus du libre-échange et la mondialisation ne faisait encore peur qu'à une minorité.

Le monde rural, si fondamental en France durant des siècles, s'éteit peu à peu. La production agricole elle-même s'industrialise, satellisée par l'industrie agroalimentaire, et la jeunesse part pour la ville. L'industrie mute, abandonnant le textile et le charbon au profit de l'automobile et de l'électronique. Les cols blancs deviennent majoritaires dans la population active. le visage de nos villes et campagnes reste profondément marqué par ces évolutions, rapides... en quelques décennies. Les catégories sociales se recomposent en conséquence, mais on parle encore du monde ouvrier plus souvent que de l'exclusion des personnes sans emploi et de plus fragiles.

Ainsi, pour notre quatrième âge -concept inutile et inexistant à l'époque-, la fin de la Seconde Guerre Mondiale a été suivie d'un âge d'or économique et social, mais pas celui de la sécurité : de 1953 à 1962, Berstein et Milza nous décrivent l'équilibre de la terreur, qui culmine en 1961 avec la construction du mur de Berlin et en 1962 avec la crise de Cuba. le monde a retenu son souffle. Aussi terribles et marquants soient-ils, les attentat terroristes contemporains s'en trouvent relativisés.

Avec la détente qui suit, dans les années 60 et 70, les dirigeants des grandes puissances auront un semblant de sagesse, décidant de s'affronter moins directement. Pour autant, bien peu dans les pays industriels prennent alors conscience, au-delà des décolonisations européennes et de l'abandon au vietnam du sentiment de toute-puissance US, des nécessaires rééquilibrages issus de la poussée démographique de ce tiers monde, de cette plèbe , qui commence seulement, timidement, à vouloir exister politiquement sur une scène internationale dominée par l'affrontement Est Ouest.

Oui, les générations du baby-boom (mes parents) ont connu -rebelles ou pas- la prospérité de l'american way of life, le quasi-plein emploi, l'inflation à deux chiffres, des mutations technologiques et sociales dans précédent, la peur des chars soviétiques, celle de la bombe H, et le premier pas sur la lune. Au-delà de l'événementiel, Berstein et Milza reconstituent les liens, le contexte, l'environnement de toute une époque ; en lui redonnant -parfois arbitrairement- une cohérence, ils nous permettent de l'interpréter, à l'aune de notre passé plus long, et aussi en rapport avec notre présent. Des clés pour comprendre... ne serait ce que certaines divergences de points de vue lors des repas de famille...

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