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Critique de Pecosa


Je suis l'autre n'est pas un roman taurin. C'est l'histoire aussi incroyable que véridique, de José Sáez, « El Otro », qui ressemblait physiquement beaucoup à Manuel Benítez Pérez dit « El Cordobés », l'un des plus fameux toreros du vingtième siècle et qui se fit passer pour lui dans la rue comme dans les arènes. La ressemblance entre les deux hommes est si frappante que j'ai cru que la photo de couverture était celle del Cordobés alors qu'il s'agit de l'Autre.
Le Cordouan était devenu dès ses débuts un personnage légendaire suivi par de fervents aficionados et ainsi que par la presse du monde entier. Lapierre et Collins lui ont consacré un ouvrage devenu best-seller, ...Ou tu porteras mon deuil et Dalida une chanson.
S'il est plus facile de se faire passer pour un chanteur ou pour un acteur afin d'obtenir des avantages financiers et attirer les regards, descendre dans l'arène et imiter le style d'un grand torero devant des taureaux de 500 kilos est une autre affaire. "Dès lors, je ne pouvais plus être moi, José Sáez Fernandez, et j'allais me transformer en L'Autre, le double de Manuel Benítez Pérez El Cordobés » C'est pourtant ce à quoi Sáez va consacrer sa jeunesse, au risque de se perdre.

La traductrice et romancière Berta Vías Mahou, dont j'avais beaucoup aimé le roman consacré aux derniers jours d'Albert Camus, Venían a buscarlo a él nous livre une intéressante variation sur le double, l'identité, la dualité. Elle immerge le lecteur dans le projet du personnage principal, un homme aussi pauvre et fougueux que Manuel Benítez, qui vit dans la tauromachie la seule possibilité de s'extraire de sa condition misérable. S'il ne fut pas un Goliadkine ibère, qui perdit complètement la raison et finit dans un asile, il paya un lourd tribu à son illustre jumeau. Il n'exista plus. La thématique du double ainsi que le tableau très intéressant que nous offre la romancière sur l'Espagne sclérosée des années 60 sont au coeur de ce roman qui ne contient que peu de scènes relatives à la tauromachie, à l'exception de quelques lignes consacrées à la retransmission télévisée d'une corrida. Pour l'autre, comme pour El Cordobés , la seule possibilité de sortir de son milieu d'origine dans une société cloisonnée et cadenassée par le régime, était de briller dans les arènes, ces vitrines garantes de l'identité nationale. Le populisme adore les héros et les rites mortifères (Himmler aura les honneurs d'une corrida lors de sa visite officielle en Espagne). Je suis l'Autre est un récit incroyable mais vrai d'une disparition par identification, tellement spectaculaire que l'on se demande comment Berta Vias Mahou a pu l'exhumer des décennies plus tard et la restituer dans un roman déconcertant qui a reçu le 26è me prix Torrente Ballester. Je remercie les éditions Séguier pour ce voyage dans la tête de l'Autre.
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