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Critique de Fandol


Cent ans après, parler de la Première guerre mondiale, cela a été fait et c'est normal car il faut sans cesse rafraîchir nos mémoires qui effacent trop vite des années de souffrance et de mort.

Pourtant, avec Putain de guerre !, Daniel Berthet a su écrire et raconter d'une façon originale le cauchemar des tranchées, de tous ces hommes envoyés à la boucherie par d'autres aux épaulettes étoilées, à la solde des marchands d'armes et des banquiers, comme c'est si bien dit à la fin du livre.
Ne pas oublier, c'est aussi rappeler que des hommes ont été fusillés par leurs propres camarades portant le même uniforme ou envoyés à l'abattoir, mains liées, sans casque, « pour l'exemple », comme on disait. L'auteur leur dédie son livre comme à tous ceux que l'on nommait les poilus et c'est une belle initiative qui débute avec des souvenirs d'enfance.
Ils sont vieux. Dans le village d'Augès, on les surnomme Baldenuit (Jules Latour) et Demi-Lune (Amédée d'Oraison). Ils faisaient peur avec leurs terribles blessures. Ils appelaient cette guerre La Madelon, la putain, et les pages qui suivent sont d'une force extraordinaire, faisant de Putain de guerre !, une lecture passionnante et tellement émouvante.
Sans me laisser le temps de respirer, l'auteur m'a plongé dans la bataille autour du fort de Vaux, près de Verdun avec ces patelins sans âme : « Bombardés, pilonnés, canardés par les Boches, dans leurs contre-attaques, tous les bleds des alentours en étaient réduits à des amas inertes de pierre et de tuiles que les camarades contournaient dans l'indifférence générale pour éviter les obus non explosés. »
Il faut aller dans ces lieux aujourd'hui où il est bien difficile, voire impossible d'imaginer la vie d'un village, même si certains ont retracé une rue, fixé une plaque pour rappeler qu'il y avait ici une mairie, une école, un presbytère, qu'habitait là un cantonnier, un sabotier, un vigneron, un marchand de cochons… Bref, la vie… et ces hommes venus du sud de la France, un régiment de Draguignan, savent qu'ils vont mourir, qu'on les envoie à la boucherie. D'autres venaient d'Afrique, du Sénégal par exemple, comme David Diop le rappelle si bien dans Frère d'âme, un livre dont je parlerai bientôt..
Le roman est bien mené, ménage des surprises, du suspense et s'attache surtout à l'après, ce qui est souvent négligé. Il parle aussi d'amour avec La Tide, restée au village. Si certains ont la chance de revenir, c'est dans quel état ? L'accueil qui leur est réservé n'est pas toujours sympathique et des personnages sans scrupules n'hésitent pas à s'enrichir en trafiquant, comme l'avait mis en scène Pierre Lemaitre dans Au revoir là-haut.
Daniel Berthet nous fait entrer dans l'hôpital des blessés de guerre puis nous emmène dans la capitale de la coutellerie : « Thiers n'avait d'âme que pour tout ce qui était tranchant, couteaux, dépeçoirs, hachoirs, couperets, rasoirs. » Enfin, c'est à Banon, dans ces Basses-Alpes, Alpes de Haute-Provence aujourd'hui, que nous revenons, au pied de la montagne de Lure.

Le temps passe et fait son oeuvre. Lutter contre l'oubli, c'était faire parler ceux qui restaient, qui avaient pu survivre aux blessures, échapper à la grippe espagnole et j'ai beaucoup aimé la manière dont l'auteur fait s'exprimer ces hommes. Retenue, pudeur, peur de choquer, ce n'était pas facile pour eux mais Putain de guerre ! est là pour ça avec un sens du récit bien maîtrisé, un style efficace, précis, au vocabulaire riche et toutes les réflexions jalonnant le récit sont bien actuelles.
Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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