AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Shaynning


"Les Aventures de Myrtille Jones" fait parti d'un groupe d'oeuvres que j'appelle affectueusement les "Hybrides", quand ils sont à la fois roman, roman graphique, Bd et/ou album. Je me prend à les aime ces hybrides, car ils permettent deux choses. Premièrement, ils permettent d'aller chercher les lecteurs et lectrices moins à l'aide à avec la formule "paragraphe" des romans, surtout ceux et celles qui ont des défis en lecture ) et croyez-moi, ils/elles sont nombreu.x.ses. Deuxièmement, ces oeuvres conviennent bien aux lecteurs et lectrices qui sont davantage "visuels" ou amateurs d'illustrations, ce qui passe encore trop souvent comme un faiblesse, alors que bien souvent, c'est une préférence. Avis donc aux profs qui souhaitent aller chercher ces lectorats, c'est le genre de livre qui peut grandement aider à faire lire plus.


Je suis mitigée sur la question des représentations, car certaines sont rafraichissantes et d'autres beaucoup plus prévisibles. Dans celles que j'ai aimées, il y a les "personnages alliés", ceux dans le cas des "gentils". On a un alligator qui veut devenir éducateur à la petite enfance, un robot du camp ennemi qui articule sa pensée autrement et choisi l'autre camp, une héroïne qui a une façon différente d'être "féminine", une jolie petite blonde au Qi de génie et amatrice d'énigmes, un "binôme" masculin d'ethnie noir, friand amateur de sciences pures ( surtout la physique), élégant, jovial et sans lunettes ( enfin un Intello sans lunettes et bien habillé, bon sang!), une maman qui est une femme de carrière cartésienne et un papa rempli de créativité qui a plus en commun avec le papa de foyer que de l'artiste loufoque. Nous avons un rare trio composé de deux filles et un garçon, où chacun.e a de la ressource. Il y a assurément de la bonne volonté sur les représentations de ce côté. Hélas , le mat blesse du côté des 'méchants".


L'idée de la tyrannie contre-artistique est vue et revue, parce que c'est un constat que l'on peut aussi faire dans L Histoire. On aime généralement peu les arts en dictature, parce "L'art est subversif", et les artistes sont par définition des acteurs de changement qui défient les limites et refusent qu'on leur impose une façon d'être. Et si la tyrannie ne tolère pas une chose , c'est bien l'impossibilité d'avoir le contrôle. Une vieille rivalité entre arts et pouvoir politique, en somme. Ce qui est un peu redondant dans ce genre de conflit, c'est que nous avons donc un "méchant" totalement "méchant" sans nuances. Il impose, il contraint, il est amateur de ruse et de propagande, mais au fond, ce "Méchant" n'a rien d'humain ou de nuancé. C'est juste un être qui aime avoir le contrôle, peu importe comment. Ce qui est un peu conflictuel par rapport à l'histoire, est que tout est blanc ou noir. D'un côté les sciences pures, l'ordre, le blanc et homogénéité ( voir la productivité), contre la liberté, les couleurs, la créativité et les arts. Or, on le sait, le monde a besoin des deux. Nous avons autant besoin d'un certain cadre scientifique que de création culturelle, on ne peut vivre ni dans une dictature totalement rigide ni dans un chaos totalement dénué de règles. Aussi, ce "Méchant" n'a aucune vision: Un monde sans culture est un monde sans avenir, sans saveurs et sans joie. Un monde sans créativité élémentaire, c'est un monde condamnée à se répéter inlassablement. C'est le suicide collectif assuré. Ça m'étonne toujours de voir encore ce genre d'antagoniste sans âme et sans perceptive d'avenir. C'est d'autant plus questionnable que le méchant de cette histoire est aussi mégalomane dans le monde de Chroma que dans le nôtre. Ses intérêts restent donc nébuleux, mais semblent profiler un énième cas d'homme égo-maniaque avide de pouvoir ou étouffé de jalousie. J'attendais plus de cet antagoniste qui a prit le contrôle du "centre créatif" du monde, mais il me rappelle le papa dans le film "Lego", un homme qui empêchait son fils de sortir des cadres imposés par les dépliant de construction de Lego, parce que c'est chaotique, justement. Dans un contexte d'un adulte face à un enfant, ça fait sens, car les adultes ont tendance à oublier l'imaginaire qui a été le leur en devenant des "citoyens de la population active", mais dans un contexte ou nous sommes à la source même de la créativité du monde, c'est beaucoup plus invraisemblable. Bref, de ce côté là, je suis perplexe.


Je remarque aussi que nous avons encore des jeunes géniaux avec des adultes d'intelligence moyenne. Curieux cette façon de ne jamais pouvoir concilier les deux groupes d'âge sur cette question.

Enfin, même les écoles sont opposée. Melody High est l'école des arts, elle est joyeuse et Myrtille l'adore. Au contraire, l'école Saint-Hubert ressemble à une prison, avec un professeur qui a mauvaise haleine, mauvais caractère et fait copier des lignes 500 fois. Cette punition est déjà débile dans la vraie vie, je la trouve pire dans la littérature. Mais ce qui m'enchante moins est d'encore une fois diviser en blanc et noir: art = joie, science = froid. Cela renforce les stéréotypes et donne une image vraiment peu agréable des sciences naturelles ( chimie-science physique, maths et biologie).


Cette dualité est aussi renforcée par l'attitude de la maman et de son patron, pour qui les arts sont des hobbies pour enfant et un signe de contre-productivité fabulatrice chez les adultes. Pas le meilleure message à envoyer, parce que pour certains esprits obtus adultes, c'est une vérité. Heureusement que le personnage de Rockwell fait contre-poids, mais même lui semble être outrancièrement pointilleux et rigide a bien des égards, parce que c'est un esprit scientifique. Tous les artistes ne sont pas frivoles et insouciants, tous les scientifiques ne sont pas froids et exagérément rigides.


Côté illustration, on fait fort, c'est assurément créatif et visuellement intéressant. Il y a des jeux de perceptive, des doubles pages dessinées, des détails amusants, bref, visuellement, on s'en sort bien. Nombre de romans anglais ont d'ailleurs cette versatilité entre images et texte, comme les romans de Chris Riddle ou les "Kate mène l'enquête", plus récemment. Les illustrations sont dans une palette de gris de toutes nuances, avec du noir et divers nuances d'orange.


Le thème des arts est central, nous avons autant de diversité de ces divers formes dans le monde de Chroma que nous avons de références aux artistes eux-même. Certains décors sont même des oeuvres connues, notamment le peintre Monet et Van Gogh. L'idée de faire coexister le thème des beaux arts avec les lois de la Physique est amusant et se côtoient bien. Il y a des sciences dans les arts et vice versa, ça n'a rien de nouveau, mais on voit généralement peu ce rapprochement dans la littérature jeunesse de manière générale.

Côté écriture, c'est peu poétique et peu psychologique. J'ai remarqué deux ou trois répliques pas franchement sympa entre les personnages, surtout entre adultes et enfants, mais je reconnais là un trait très britannique.


Des bons côtés et des moins bons, mais reste que c'est intéressant comme roman. Il y a des choses intéressantes à en tirer, mais il aura gagné à être moins manichéen, tant sur la questions des personnages que sur la question des domaines artistiques vs scientifiques. Çà ne donne rien de glorifier l'un au détriment de l'autre, quand on sait que ces deux domaines doivent apprendre à coexister parce qu'ils sont tout deux essentiels. J'espère que le tome suivant suivra cette tangente. Aussi, cela reste une ode à la créativité et propose des modèles masculins et féminins modernes. Je sais déjà quels lecteurs et lectrices apprécieront ce genre de roman d'aventure aux inclinaisons magiques et colorées, et c'est là l'important.


Pour un lectorat du troisième cycle primaire, 10-12 ans.
Commenter  J’apprécie          20



Ont apprécié cette critique (2)voir plus




{* *}