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Critique de LaBiblidOnee


La démonstration par le roman, ou le roman qui m'a fait grincer des dents au début pour finir par m'émouvoir. Démonstration par la critique : L'Iboga éponyme, comme si c'était le sujet principal du roman, est la drogue que Max, sorte de dangereux gourou, a apparemment fait prendre à Jeff, enfant noir et abandonné encore mineur, sorte de rituel purificateur par lequel il l'incitait à commettre des crimes horribles. Bon, vu que le Jeff que l'on rencontre au départ est loin de ressembler à un enfant de coeur, j'étais déjà un peu agacée que le titre brandisse une sorte de fausse excuse à son égard.
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Mais la justice n'a pas été dupe, et c'est donc avec un certain soulagement qu'on apprend que Jeff sera bien enfermé pour les crimes qu'il a avoués… Jusqu'à se rendre compte dès les premières pages que la condamnation de l'époque est la peine de mort. Même si je n'y suis pas favorable, ça ne parvient pas à me rendre le personnage sympathique sur le fond. Sur la forme, j'ai craint un remake du Dernier jour d'un condamné, de Victor Hugo, dont la plume aurait simplement été modernisée : une plainte sans fin du condamné, sans autre argument que l'inhumanité d'une telle peine, même envers un indubitable coupable ayant avoué.
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Très vite, le roman se déroulant lors de l'élection présidentielle de Mitterrand, se pose la question de l'abolition de la peine de mort qui, sans spoil, sera remplacée par la perpétuité. J'ai cru alors devoir supporter les plaintes d'un prisonnier qui, tout en trouvant ses actes normaux, reprochait à la société de lui infliger une telle peine pour se venger de lui : cliché de la victime incomprise qui se plaint d'avoir des chaînes en même temps qu'il affirme que, sans elles, il tuerait ceux qui le contrarient.
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Vous l'aurez peut-être senti en me lisant, les réactions de ce criminel n'ont provoqué aucune sympathie chez moi, mais plutôt tout l'inverse. Ca ne s'arrange pas lorsqu'il continue de nous expliquer qu'en réalité, s'il a des envies de meurtres en lui, c'est parce que les gens attendaient de voir s'il était gentil et respectait les règles avant d'accepter de lui faire confiance et de lui accorder quelque chose. Heu, bon, c'est un peu la vie pour tout un chacun, mais toi en plus tu affiches ta violence en t'étonnant qu'on ne te fasse pas confiance… Logique.
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Et puis, plus le récit nous dévoilait son passé, plus j'étais encline à entendre qu'il y avait bel et bien une chose qu'il n'avait pas connu : c'était l'amour inconditionnel de parents qui est censé nous enraciner dans la vie. Et que privé de racine, presque de notion de bien et de mal, il a été facile au premier détraqué venu de faire mine de s'intéresser à lui et de le manipuler. Des circonstances atténuantes commencent à se profiler plus précisément. Jeff est coupable, mais serait-il aussi victime ? Comme dans tout procès, la vérité est parfois délicate à établir.
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Mais le plus intéressant reste à venir : au fil de ses années de détention, avec quelques bonnes rencontres et les bienfaits de l'écriture sur la réflexion, Jeff a le temps de détricoter son histoire. Cela a deux effets : le premier sur le lecteur, qui apprend à connaître Jeff, son histoire et le pourquoi de ses crimes, qu'il regarde avec moins de hargne ; le second sur Jeff, qui arrive la regarder son parcours avec le recul nécessaire à l'analyse et à la compréhension de certains fourvoiements de sa part (lui aussi a jugé un peu trop vite).
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C'est là que ça devient assez beau, comme si chacun, du lecteur et du personnage principal, faisait un pas vers l'autre en essayant de comprendre, de tendre vers plus d'objectivité, de se rejoindre vers une vérité un peu différente de celle que chacun était persuadé de détenir en accusant l'autre. de l'importance de l'écriture dans le processus de réflexion, et de l'importance de ne jamais être trop sûr de ses jugements ou préjugés, même en cas d'aveux.
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Alors je ne sais pas si ce roman se voulait critique envers la justice des hommes, cette peine qu'est la perpétuité, ou peut-être envers les pratiques du système carcéral, mais c'est pourtant bien ce temps de réflexion et d'écriture qui, finalement, conduira à ce petit miracle, cette prise de conscience, ce pas vers l'autre. Un temps que Jeff n'aurait certainement pas pris sans cette peine, ni le lecteur sans ce roman.
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Un livre sur l'enfermement autant entre des murs que dans un système de pensée ou dans sa peine, duquel on ne s'évade que par le récit de Jeff sur son passé hors de ses murs, par l'écriture et par l'altruisme. Un livre sombre comme cet établissement où n'entre pas la lumière du jour, éclairci seulement par les bribes du passé de Jeff sur la situation. Un livre aussi sur les apparences et les jugements rapides.
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Le glissement qui s'opère au fil de la lecture est intéressant, c'est même toute la force du livre et, il faut bien l'avouer, toute prompte que j'étais à juger Jeff au départ, j'ai terminé ce roman de plus en plus émue par son histoire, jusqu'à la fin. C'est donc une mission réussie pour l'auteur, qui a bien amené sa démonstration ! Merci à Bagus pour la découverte.
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[Cette critique écrite il y a peu est surtout prétexte à glisser ce message perso : Désolée de ne pas être très présente ces temps-ci, des raisons de santé vont sans doute m'empêcher de revenir pour un temps - à l'exception d'une masse critique obtenue avant que je vais tout faire pour honorer. Des bises à tous.]
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