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Critique de Franz


Entrée en matière.
Il avait fallu que je glissasse le bulletin des amis de la fin du monde dans mon sac à dos pour m'apercevoir de ma bévue. le papier de la revue éphémère n'est pas fait pour durer. Il s'est écorné, maculé et le titre "Dernier carré" s'est estompé avec les micro frottements liés aux mouvements de la marche à pied. Je note aussi que le fascicule au contenu si triste se gondole. Bref, le numéro 1, peut-être rarissime, ne s'imposera pas dans le temps. Ses jours sont comptés et je ne vais pas faire fortune à la revente avec un numéro collector mais comme tout est sujet à obsolescence programmée, la revue papier est au diapason du propos apocalyptique. Ça va péter mon général ! En attendant l'imminence de la chose, j'aime bien ranger mes livres en bon état sur une étagère. le chaos à venir demain n'y changera rien et j'ai abîmé un bulletin cher à mon coeur qui est véhiculé par la Charrette orchestrale, le bulletin, pas mon coeur, quoique. Tout peut bien s'effondrer mais j'espère, dans l'ordre.
C'est sur le rebord du causse de Blandas, lui aussi arpenté avec ferveur en toutes saisons que j'ai fait pitance de roi en lisant le fascicule incendiaire. Rien ne vaut un paysage fort pour approfondir une lecture puissante. le déplacement ambulatoire permet de penser autrement. Lors d'une pause, les brèves rubriques se parcourent aisément et leur pouvoir est déflagrant. Baudouin de Bodinat ouvre le ball-trap avec des tirs de sniper. "À la vue du cimetière" envoie une rafale de paragraphes brefs et claquants sur le Bitcoin, le survivalisme, la GPA, l'égocentrisme, la pornographie, les réseaux sociaux et les comportements d'une foultitude de personnes perdues à elles-mêmes. S'ensuivent les brèves du "Cadastre" avec un survol de vies incomplètes, des élans premiers aux crashs terminaux comme ce mari entreprenant qui n'a jamais su voir sa femme ou l'exemple du bel étalon de ces dames que la vieillesse rattrape. Baudouin s'essaie à l'étude de moeurs en une demi-page et il torpille l'hédonisme comme jaja. le naturalisme peut bien aller se rhabiller et Maupassant revoir sa copie. le quidam est croqué en deux temps, trois mouvements, de la vie au trépas. Ça fait mouche, ça fait mal mais ça fait s'esbaudir parce que chaque mot est pesé et ajusté par un orfèvre des lettres.
Marlène Soreda entame ensuite sa chronique des "Piètres plaisirs de Paris"et pose les jalons de son univers déglingué : la flaque de pisse dans l'immeuble, l'herbe du tramway, le banc public monopolisé par Le Breton, etc. Puis "Formulaires & pièces jointes" narre l'impossibilité de verbaliser les raisons qui motivent une demande d'aide sociale dues à un "épouvantable merdier s'étirant sur plusieurs générations". Enfin, "Le magasin à poudre" compile des informations alarmantes extraites de la presse généraliste qui vont tout faire péter : déplacés environnementaux, dérèglement climatique, dégradation des sols, effondrement de la biodiversité, empoisonnement par les pesticides, prolifération des algues, etc. Comme dit le voisin, je préfère être sourd que d'entendre ça. Heureusement, Valyn est toujours là dans les moments critiques. Il expliquait dans le "Petit journal" d'août 1881 comment calmer les convulsions nerveuses avec des fumigations de plumes brûlées passées sous le nez de la personne affectée. Il donne aussi la recette de la bière fabriquée avec du chiendent fermenté. La bière survivaliste est "agréable au goût, nutritive et désaltérante." Voilà Valyn et c'est déjà la fin. Déjà ?
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