Michel Audiard, Albert Simonin, Alphonse Boudard et Auguste Lebreton parlent de leurs lectures favorites et de leurs auteurs de prédilection.

" Chasse à l'enfant ' Poème de Jacques Prévert écrit en 1938, lors de la révolte des pensionnaires du bagne pour enfants à Belle-Ile-en-Mer
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Au-dessus de l'île on voit des oiseaux
Tout autour de l'île il y a de l'eau
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Qu'est-ce que c'est que ces hurlements ?
Bandit ! Voyou ! Voyou ! Chenapan !
C'est la meute des honnêtes gens
Qui fait la chasse à l'enfant
Il avait dit "J'en ai assez de la maison de redressement"
Et les gardiens, à coup de clefs, lui avaient brisé les dents
Et puis, ils l'avaient laissé étendu sur le ciment
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Maintenant, il s'est sauvé
Et comme une bête traquée
Il galope dans la nuit
Et tous galopent après lui
Les gendarmes, les touristes, les rentiers, les artistes
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
C'est la meute des honnêtes gens
Qui fait la chasse à l'enfant
Pour chasser l'enfant, pas besoin de permis
Tous les braves gens s'y sont mis
Qui est-ce qui nage dans la nuit ?
Quels sont ces éclairs, ces bruits ?
C'est un enfant qui s'enfuit
On tire sur lui à coups de fusil
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Tous ces messieurs sur le rivage
Sont bredouilles et verts de rage
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Rejoindras-tu le continent ? Rejoindras-tu le continent !
Au-dessus de l'île On voit des oiseaux
Tout autour de l'île il y a de l'eau
Pour ce jour tant désiré, pour ce jour où, enfin, il ne serait plus un numéro matricule, mais un être libre, il se promettait une chose: d'aller revoir la petite ferme de son enfance, surplombant la mer. Et une fois sur place, il irait dans le crépuscule silencieux s'étendre sur l'immense plage déserte.... Cette plage de sable fin apporté par l'Océan qui se fout de la méchanceté des hommes. Il creuserait ce sable de ses reins, laisserait le clapotis des vagues caresser ses pieds endurcis pas les nuits de pelote. Puis comptant les étoiles comme autant de raisons d'espérer, comme autant de morceaux de pain blanc à manger, à son tour il promènerait ses yeux ravis sur l'infini du ciel, sans crainte qu'ils ne se heurtent à de hauts murs gris.
Ici, les traits paraissaient burinés par la misère et le vice. Même ceux qui n'avaient pas le crâne tondu n'offraient guère un meilleur aspect.
- la société a les criminels qu'elle mérite.
elle les engendre elle même par la mauvaise éducation donnée à ses enfants.
Le Ciudad-Real était à quai, noir de coque et blanc de structure. A ses pieds c'était le fourmillement habituel de dockers sur lesquels planaient les cris, les jurons et le claquement des ordres. Pris dans les élingues, les fûts de bière s'élevaient six par six au bout des grues, se balançaient un instant au dessus de la lisse, puis disparaissaient dans la profondeur des cales.
Son crâne n'avait pas dû souvent voir la Silvikrine ! Passé au papier de verre qu'il était !

- Que vas-tu faire ?
Richard Tubiek ne répondit pas.
- Cette situation ne peut s'éterniser, poursuivit la femme. Quinze jours que tu es là et tu n'es pas sorti une seule fois. Tu ne te rases même plus. Il faut prendre une décision, ma sœur et son mari finissent par trouver ça drôle !
De sa main velue qui tremblait, Tubiek attrapa son verre de Cinzano blanc. La femme soupira.
- Et tu devrais cesser de boire. Toi qui avant était si sobre. Toi qui disais qu'un homme qui commence à trop boire doit être éliminé sans pitié.
Il avala son apéritif d'un trait et le cube de glaçon tinta joyeusement dans le verre vide. Au lieu de reposer celui-ci il l'emplit de nouveau. A ras bord.
Irène Chevalier hocha sa tête fine, triangulaire aux yeux bleu foncé qui remontaient vers les tempes, ce qui lui donnait un air félin, asiatique.
- Comme tu as changé ! On dirait que tu as peur, toi qui pourtant...jadis...
Il haussa sur elle des yeux bouffis, au blanc strié de filaments pourpres, confessa d'une voix que l'alcool et le tabac râpaient.
- C'est exactement ce que j'ai. Exactement ça. La peur.
(incipit).
Appareils photos en bandoulière, des touristes allaient et venaient, regards et bouches ouverts d'admiration devant la cathédrale Saint-Guy dont le style gothique projetait vers le ciel vide de nuages son sommet de dentelle et ses coupoles au cuivre verdi par les siècles.
La fraîcheur régnait à l'intérieur dont la première pierre avait été posée en 1344 par Mathias d'Arras, un architecte français.
Son cadet, le Bug, la punaise en argot américain, n'était attelé qu'à trois gonzesses. Ça lui suffisait. Il n'était pas hareng pour un rond.
Puis, comptant les étoiles comme autant de raisons d'espérer, comme autant de morceaux de pain blanc à manger, il promènerait ses yeux ravis sur l'infini du ciel, sans crainte qu'ils ne se heurtent à de hauts murs gris.