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Critique de jlvlivres


« La Visite de l'Archevèque » (15, Cambourakis, 128 p.), c'est un peu le Godot Roumain. La scène se passe à Bogdanskyi Dolina, village reculé, près d'une décharge nauséabonde. Toujours près de ce point triple entre l'Ukraine, la Roumanie et la Hongrie.
Donc, dans ce village, le matin on avait capturé les soeurs Schenkowitz, deux vieilles filles évadées du quartier d'isolement des pulmonaires, délicieusement appelé Isolda. Et dire qu'on attendait l'archevèque Zilava dans ce village (pour la Saint Médard en plus). Que dire de la ville, avec sa décharge, son impasse Sans-Nom qui mène au séminaire, sa rue des Saints-Académiciens, son église Sainte Zénobie, l'avenue du 22-février, le débit de vins du père Punga, l'auberge de Hariton Manoukian, et cerise sur le gâteau la tombe du Voyageur inconnu. Tout cela sous une autorité de fer et deux archimandrites Kostine et Tizmane. A la fin du roman, on va aboutir à la lapidation des deux soeurs, et à l'explosion de l'archevêque Boutine en mille morceaux.
« À Bogdanski Dolina, le crépuscule dure des heures. ». « Les ordures dégagent de la lumière; ici, il ne fait pas complètement noir la nuit. Bien après que le soleil a sombré derrière la forêt de Pop Sabin, la vapeur gélatineuse couvrant les montagnes d'immondices continue d'éclairer, comme si des vers luisants brillaient à l'intérieur; elle est illuminée d'une incandescence magnétique, on dirait la lueur d'une bénédiction rayonnant confusément au-dessus de la ville, alors qu'à l'entour les prés de Bogdanski sont plongés depuis longtemps dans un noir d'encre. »
Donc, le seul repère que l'on ait reste la Saint Médard (en principe le 8 juin), qui est jour férié à Bogdanski Dolina. Cette ville ( ??) est proche de Ivano Frankovsk, en Ukraine (en fait Ivano Frankivsk qui a eu pour nom, au gré des changements de frontières : Stanisławów (en polonais), Stanislau (en allemand) et Stanyslaviv ou Stanislav (en ukrainien). Mais elle est tout de même à 300 kilomètres de la frontière. Mais c'est le lot habituel de ces villes qui ont changé plusieurs fois de nationalité. « le débarcadère grouillait continuellement de Hongrois, de Juifs, de Saxons et de Polonais. »).
Donc, « les fugitives avaient été ramenées dans le camp par Gabriel Ventuza, l'aumônier, au bout d'une laisse de cuir ». « Pourtant, le temps pour [eux] d'arriver, il n'y avait plus rien à voir pas plus de cage à poules que de soeurs Schenkowitz ». Voilà une histoire qui commence par une cruelle déception. Heureusement, il suffit de tourner la page. « Explication : les deux fugitives avaient été lapidées par les autres malades ». Comme quoi, un bon auteur trouve toujours une fin quasi heureuse à une belle histoire (et puis il y a encore une bonne centaine des pages à tenir le lecteur en haleine – à défaut d'une laisse de cuir). Et surtout, il y a dans le ré Mida, cette terrible décharge avec ses terribles mouettes (on les entend à des kilomètres). Décharge qui peut même détourner les orages mais que les mouettes pratiquent, quoiqu'elles évitent de survoler le quartier d'isolement.
Ce qui n'empêchera tout de même pas le vicaire Periprava de mourir assassiné avec un pic à glace. Comme quoi la religiosité a ses limites. Gabriel Ventuza, « venu il y a quelques années récupérer la dépouille mortelle de son père » s'était trouvé un emploi d'aumônier du camp. « Mais cela faisait cinq jours que Gabriel Ventuza dormait ». À son réveil, nu et dévalisé, il est contraint de rester au village. Long cauchemar éveillé, avec des lynx et des licornes, le tout au milieu d'ermites témoins de Jéhovah.
Heureusement, il y a les alentours. « Les fins de semaine, quand il n'y avait pas de confessions, je traversais parfois les cols des Carpates pour aller retrouver mes anciennes amours. » et ce « dans la cabine du serre-freins d'un wagon ». Et pendant ce temps « les séminaristes, qui même en dormant, des oreillers noués sous les pieds, traçaient imperturbablement leurs cercles ».

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