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Critique de Khalil_Livres


"Je soutiens qu'un changement culturel profond dans la gestion globale de la technologie est indispensable à l'avènement d'un monde plus harmonieux, viable à long terme et plus égalitaire."

Dans ce brillant essai, Stefano Boni, loin d'être un technophobe primaire ou un promoteur d'un mode de vie primitif, nous livre une analyse percutante sur les conséquences du mode de vie contemporain caractérisé par un confort léthargique pour l'Homme et destructeur pour l'environnement. Il s'agit d'une attaque frontale de l'un des dogmes de la grande religion hédoniste, à savoir le progrès technologique.

L'hypertechnologie de notre époque joue le rôle d'une médiation permanente entre les Hommes et entre l'Homme et son environnement. C'est une véritable mutation anthropologique qui s'opère, transformant homo sapiens en homo confort dont les sens sont altérés et la connaissance du milieu organique est presque inexistante. La technologie et le confort qu'elle procure lisse notre existence tout en nous donnant l'illusion de la maitriser et la contrôler. "L'humanité est désormais liée indéfectiblement à l'hypertechnologie". Nous sommes beaucoup plus fragiles que nous le pensons.

Au-delà de ces constats "banals" que tout un chacun peut facilement relever, l'intérêt de cet essai se manifeste dans les conséquences politiques de ce confort. Ramolli par le confort, le citoyen est désormais incapable de se révolter, déléguant toutes les prises de décision à un état centralisé, répressif si besoin, fort avec les faibles et très faible avec les forts, à savoir les monopoles hypertechnologiques dont le système actuel permet une accumulation abjecte du capital. Ce citoyen est désormais réduit à un "nihilisme passif" consistant à façonner son habitat et son corps selon une logique nombriliste ne pouvant nullement agir sur les dynamiques politiques, sociales et culturels en cours.

S'inscrivant dans la tradition anarcho-libértaire, l'essence de cet essai est véritablement anticapitaliste. Loin de revendiquer un "modèle amish" comme dirait l'autre, il s'agit d'oeuvrer individuellement et collectivement pour se réapproprier la technologie et délibérer démocratiquement sur son usage, un usage qui favoriserait l'éveil de nos mains et de non sens car "les choses forgées par les personnes forgent les personnes", de rompre avec le consumérisme mondialisé et retrouver une horizontalité dans un esprit autonome et autogéré. Oui, l'auteur prône une forme de "décroissance" sans utiliser ce mot, souvent galvaudé et prononcé à tort et à travers par nos clowns politiques.

"Pour provoquer un changement culturel et politique majeur, il faut d'abord se préparer à accepter l'idée d'une baisse drastique de notre niveau de confort. Cette baisse impliquera sans doute des désagréments, des efforts, de la fatigue et une part d'incertitude, mais il me semble que l'amélioration de notre état de santé physique et mental, le développement de nos compétences, la cohésion sociale et la redistribution équitable du pouvoir sont à ce prix. Nous avons tous à y gagner en matière de cohérence écologique, de rythme de vie, de réactivation de savoir-faire, d'enrichissement de nos capacités sensorielles et réappropriation de notre pouvoir d'agir. Cela ne marquera pas la fin du bien-être, mais peut-être son véritable commencement. Vivre avec moins de technologie équivaut, en somme, à mieux vivre. Et nous pouvons y arriver. "
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