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Critique de marcbali


Aujourd'hui je vais évoquer le maitre et l'assassin enquête journalistique passionnante de Sophie Bonnet. Ce livre est le fruit de nombreuses recherches et d'entretiens autour de la mort mystérieuse sur son île bretonne privée d'Olivier Mezner célèbre avocat pénaliste richissime qui se serait suicidé. Sa vie est intimement et secrètement liée à celle d'Alexandre Despallières, son amant maléfique. Ce récit est donc la biographie croisée de ces deux hommes.
En voulant reconstituer les faits la journaliste plonge dans la vie de l'avocat, bourreau de travail et fumeur de cigare, qui a dissimulé beaucoup de choses. de nombreux témoins refusent de parler ou alors uniquement sous couvert d'anonymat, l'omerta semble la loi. Malgré la rencontre avec plusieurs centaines de personnes des proches, des intimes, des membres des familles respectives la journaliste a du mal à conclure. Son intime conviction est que malgré l'absence de procès et de jugement (Alexandre est mort en janvier 2022) son protagoniste est bien un assassin qui a tué à de multiples reprises. Elle va notamment mettre à jour la relation de plus de vingt ans entre Olivier Metzner et Alexandre Despallières. Son ouvrage dans lequel elle se met en scène et raconte les différentes étapes de cette enquête difficile qui va la tenir en haleine pendant plus de cinq ans se lit comme un thriller. C'est un double portrait d'Olivier et d'Alexandre. Lors de la première rencontre avec Alexandre dans le bar de l'hôtel Meurice où il dit habiter Sophie est subjuguée par la beauté de cet homme. Elle écrit : « pour qui ne l'a pas croisé, il est impossible de se figurer les traits de son visage, un être solaire. » Pourtant il est peut-être un assassin et un empoisonneur ; elle va tenter de résister à son charme et à sa manipulation. Elle s'entretient à de nombreuses reprises avec lui et reproduit certains des verbatim. Elle reconstitue les différentes étapes de sa vie : sa relation avec sa famille et ses parents (le rôle de sa mère est ambigu), son homosexualité, sa liberté, sa brève carrière dans la chanson, sa fougue, son goût du sexe, sa beauté incandescente, bref son charme. A l'inverse, Olivier Mezner est décrit par sa laideur et sa richesse, sa puissance et son pouvoir. Il est entouré de gigolos il est homosexuel mais n'assume pas son orientation sexuelle, il est très discret, voire secret, il compartimente sa vie de manière étanche. L'enquête montre que : « durant vingt années, Metzner assura à Alexandre un train de vie confortable, demeura sa principale source de revenus, son fonds de commerce. Jamais les deux amants ne cessèrent de partager leurs secrets. (...). Metzner aime ce garçon d'un amour fou qui cogne le ventre, brûle la gorge. Il crève de désir, éperdument. L'existence possible d'une passion lui maintient la tête hors de l'eau. Tout le reste n'est que camelote. (...) Comme des dizaines d'autres avant lui, il tomba dans les rets invisibles et puissants d'Alexandre. Il fut subjugué. Qu'il soit puissant et riche ne changeait rien à l'affaire. » Alexandre devient séropositif à seize ans, il est fascinant de voir que son statut sérologique interroge la journaliste, ses dons de mystificateurs font douter de la réalité de sa maladie. Il semble en perpétuelle rédemption vis-à-vis du sida. Pour sa part Olivier est également séropositif ; il se drogue avec des substances médicamenteuses et psychotropes mais il se drogue également au travail ; il est un acharné il veut réussir, il veut s'imposer dans la société, avoir du pouvoir et de l'argent. Il renie sa famille et ses origines réelles, il s'invente un passé paysan et miséreux. le récit de ces deux destins couvre les années 1970 aux années 2010 avec la période de l'émergence du sida, l'homosexualité clandestine et ses lieux interlopes sur lesquels règne en particulier Yves Mourousi et d'autres personnalités du showbiz. Ce monde de la nuit est fréquenté tant par Alexandre qu'Olivier. La description de certaines scènes est hallucinante. Il est difficile de savoir quelle est la nature exacte de la relation entre ces deux hommes : y a-t-il eu rapport sexuel ou pas, les témoignages divergent. Ce qui est certain c'est qu'il y avait un rapport tarifé entre eux ; Olivier a longtemps été là pour financer les folies d'Alexandre. Mais Alexandre est peut-être un criminel : il aurait assassiné son premier mari, riche homme d'affaire de l'industrie musicale, et aussi ses grands-mères et ses parents. Est-il alors l'assassin d'Olivier Metzner ? Sophie Bonnet écrit : « peu à peu j'ai acquis la conviction qu'Alexandre était un assassin. Je ne suis ni flic ni juge et Alexandre ne sera de toute façon jamais condamné. Je livre ici le récit de ses crimes tels qu'ils m'ont été relatés. » Elle rencontre son mari dévoué et inféodé, Chang, personnage assez médiocre qui accompagne Alexandre dans ses affabulations et ses escroqueries de fin de vie.
Le maître et l'assassin est un véritable polar on n'imagine pas un scénariste inventer de tels rebondissements et pourtant si l'on en croit l'auteur tout est vrai mais à la fin de son enquête elle n'est pas capable de répondre à toutes les questions. En conclusion elle écrit : « il me sembla que j'avais si peu élucidé toute cette folie. J'avais enquêté sur un serial killer, je m'étais heurtée à son double, un personnage labyrinthique pour lequel j'avais étrangement fini par éprouver une sorte d'attachement. » Ce livre est un récit hallucinant, cette enquête est épatante et en même temps troublante. Il reste plus de questions sans réponse que de certitude. Cependant, force est de croire qu'Alexandre était un vil empoisonneur, fin connaisseur et grand consommateur personnel de médicaments.
Voilà, je vous ai donc parlé du Maitre et l'assassin de Sophie Bonnet paru aux éditions Robert Laffont.

Lien : http://culture-tout-azimut.o..
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