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Critique de Arthemyce


Ce texte relativement court (30 p.) est déjà presque un résumé à lui seul, où la concision n'enlève rien à la précision du propos.

En dichotomisant les domaines de l'activité sociale entre lieu de travail et lieu de vie, respectivement usine et commune, Bookchin cible la première comme principal lieu de la domination. Il en tire une critique de « l'Economisme » hérité des penseurs (même Socialistes) du XIXème siècle, prépondérant dans l'analyse politique au détriment de la morale. Ce « désintérêt de l'éthique » servira à lancer la critique d'une sorte « d'embourgeoisement » dans la pensée marxienne et anarcho-syndicaliste ne permettant pas de dépasser la distinction de classe, montrant ainsi la nécessiter de repenser les rapports sociaux avant tout au sein de la communauté - là où l'on vit ensemble - plutôt que par l'intermédiaire de l'usine, circonscrite pour l'auteur à « dresser [les Hommes] aux réflexes de la subordination, de l'obéissance et du labeur abrutissant » et invitant ainsi à replacer la commune en foyer de l'émancipation.
Il prend soin de redéfinir la « Politique » à partir de la « polissonomos » athénienne (gestion de la cité) en pointant la nécessité d'une vision commune de la « civitas » romaine (union des citoyens) et ouvre la discussion quant aux méthodes envisageables pour instaurer une organisation démocratique libertaire hors des cadres de l'État, qu'il qualifie « [d]'artefact particulier produit par les classes dirigeantes, [de] monopole professionnalisé de la violence dont le but est d'assurer l'exploitation et la sujétion de l'humain par l'humain ».
Selon lui, en retrouvant un caractère civique par la Politique, le citoyen passe « d'objet passif à sujet actif » en prenant part à la vie de la cité par son implication dans l'administration de celle-ci, favorisée par l'échange « délibératif, rationnel et éthique ». Judicieusement, Bookchin reprend Rousseau en insistant « sur le fait qu'un pouvoir ne peut se déléguer sans se détruire », incitant de fait à remettre en cause nos systèmes dits « représentatifs ».
Loin des dogmes (et même explicitement contre eux dans le texte), conscient de la complexité inhérente aux sociétés humaines Bookchin expose les concepts généraux et adaptatifs fondamentaux ayant montré leur pertinence dans la concrétisation d'une société horizontalement autodéterminée. Il appelle à une Politique « organique » qui émerge « à partir du niveau de base de la consociation humaine ». Ce faisant, il ne manque pas de critiquer le caractère réfractaire de l'Anarchisme envers le parlementarisme, arguant que le participation démocratique à l'édification d'un sens commun n'est pas contraire aux principes anarchistes dans la mesure où celle-ci est définie « clairement comme allant contre l'Etat » et se fonde sur les outils historiquement présents, comme les conseils communaux, témoignant des « buts associatifs profondément humains qui traversent les âges au fond de l'esprit de l'homme ».

Sans omettre d'aborder la question d'un fédéralisme entre les communes, l'ouvrage propose une réflexion fondée sur un recul historique et critique des divers apports théoriques et pratiques issus des courants socialistes visant à parvenir concrètement au Municipalisme Libertaire.

La postface de John P. CLARK (17 p.) est quant à elle d'une grande pertinence, revenant sur les mots durs de Bookchin envers les marxistes et anarcho-syndicalistes, notamment en évoquant les conquis sociaux des luttes passées ; mais surtout offrant des perspectives concrètes à la pensée de l'auteur en abordant les différentes expériences contemporaines des Zapatistes du Chiapas, des Kurdes du Rojava ou encore des Boliviens d'El Alto, toutes inspirées, avec quelques nuances, des concepts libertaires défendus par Bookchin.

Ce texte de 1984 témoigne beaucoup de force dans ce qu'il cherche à apporter une réponse programmatique libertaire concrète aux enjeux de la fin de siècle ; enjeux qui sont toujours les nôtres en ce XXIème siècle : repenser notre organisation sociale dans une perspective Écologique, entendue dans son sens le plus complet, c'est-à-dire « systémique ».
Il vient en parfait complément avec le précédent opus de 1982 dans lequel Bookchin définit l'Ecologie Sociale.
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