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Critique de Foxfire


Pierre Bordage est un grand nom de la littérature SFFF française réputé, à juste titre, pour son talent de conteur hors pair. Avec "tout sur le zéro", celui qui est connu pour ses space-opera ou ses uchronies, va surprendre ses lecteurs.

"Tout sur le zéro" est une plongée très réaliste, quasi-documentaire, dans le monde des joueurs, pas celui des joueurs occasionnels mais celui des accros. Tout au long du roman, on va suivre une poignée de personnages, tous accros à la roulette. Ces tranches de vie illustrent les mécanismes de l'addiction. Bordage dépeint avec précision les sensations des joueurs, aussi bien les sensations psychiques que les sensations physiques procurées par le jeu.

L'auteur a adapté son style à son sujet. Ceux qui connaissent Bordage seront surpris, peut-être même décontenancés. Mais si l'écriture de Bordage est ici moins séduisante que dans ses autres romans, c'est tout à fait délibéré et vient d'une volonté de l'auteur de mettre en adéquation le fond et la forme. Ici, chaque chapitre est composé d'une seule et même longue phrase de plusieurs pages. Phrase qui aurait pu être décomposée en plusieurs phrases mais où les virgules ont pris la place des points, transcrivant ainsi l'urgence, la palpitation, les idées et sensations qui se bousculent et se mélangent dans l'esprit des joueurs. Ce parti pris amène le lecteur à calquer sa façon de lire le roman aux sensations ressenties par les personnages. Un tourbillon de mots à la vitesse d'une bille qui tourne sur la roulette...
Cela renforce encore la véracité du propos.

"Tout sur le zéro" sonne totalement vrai. Mais malgré ce ton quasi-documentaire, cela reste un roman. L'oeuvre n'est jamais désincarnée. Les personnages rencontrés au cours du récit, même s'ils sont vrais (on est au-delà du crédible), sont des personnages. Et l'on s'attache beaucoup à eux. On a de la compassion pour eux. On a parfois aussi envie de les secouer, de leur crier de cesser de fuir ainsi la vie et d'oser enfin la vivre. Parce que c'est bien le point commun de tous les personnages ici, la peur de vivre, la fuite dans un piège pourvoyeur de sensations factices et toxiques. Il y a tant de justesse et tant de tendresse et d'empathie dans ces portraits que je me demande si Bordage n'a pas eu un proche concerné par cette addiction. Ce Philippe à qui est dédié le roman ne serait-il pas un ami, un frère ou autre qui aurait souffert de cette pathologie ?

Je préfère le Pierre Bordage auteur de SF qui me fait rêver en plus de me faire réfléchir et aussi parce que je préfère son écriture dans un registre moins réaliste. Cependant "tout sur le zéro" est une oeuvre passionnante et intelligente, tant sur le fond que sur la forme. Je remercie Babelio et les éditions Au diable vauvert de m'avoir permis de lire ce roman qui me conforte dans l'idée que Bordage est décidément un grand monsieur de la littérature actuelle.

Challenge ABC 2017-2018 - 4/26
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