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Critique de Pavlik


Pavlik
29 décembre 2022
Si Zemmour avait gagné ?

Wang est un diptyque écrit par Bordage dans les années 90. On y retrouve la sensibilité humaniste de l'auteur. C'est de la SF francophone de qualité mais non exempt de défauts

Le récit se déroule dans les années 2210. L'occident s'est replié sur lui-même, abrité derrière le REM, un rideau électromagnétique absolument infranchissable dont le but, contrairement au rideau de fer, n'est pas d'empêcher les gens de partir mais d'entrer. Plus précisément les habitants du « deuxième monde », c'est-à-dire la République Populaire Sino-Russe, la Grande Nation de l'Islam et l'Amsud.

Mais, périodiquement, des portes s'ouvrent dans le REM et des flots d'immigrés s'y engouffrent, dans l'espoir de trouver une vie meilleure. Et ce malgré les rumeurs qui circulent sur le sort qui leur est réservé en occident. Il faut dire que l'existence, dans le deuxième monde, est plus que précaire. La RPSR, par exemple, est sous la coupe des néo-triades, qui exercent leur loi d'une main de fer, habituée à l'ultra violence et les populations vivent dans la misère la plus crasse. Wang est un de ces jeunes immigrés qui tente le passage à l'ouest, fort de l'enseignement du Tao de la Survie, dispensé par Grand Maman Li…

On peut voir, dans le cadre de l'histoire, un certain parallèle avec l'Antiquité : les hordes de « barbares » massées aux frontières de l'empire, les occidentaux décadents, abrutis par les Jeux Uchroniques (je vous laisse découvrir ce qu'ils sont en lisant le livre).

Personnellement, je suis assez admiratif de l'évolution historique imaginée par Bordage : la bataille entre la Pieuvre néo-libérale et les gouvernements nationalistes populistes (qui arrivent au pouvoir au début du XXIème siècle), le repli sur soi identitaire puis les guerres, menées par des tyrans non-occidentaux, désireux de prendre leur revanche…Quand on voit l'actualité, on se dit qu'il a visé assez juste finalement. Cela contribue beaucoup au fait que ce roman vieillit plutôt bien.

Les deux tomes sont cohérents, on voit que l'auteur savait où il allait depuis le début. Néanmoins, la construction du récit, dans le tome 2, est un peu plus bancale et on voit, quasiment depuis le début, où il veut en venir. Par ailleurs, je goute peu le côté « homme providentiel », incarné par Wang. Si l'évolution historique imaginée par Bordage est bien pensée, elle est quand même relativement engluée dans une vision « romantique » des choses, qui limite l'expression de sa complexité.

La métaphore des « ruches » (comme pour les JU, je vous laisse découvrir ce qu'elles sont en lisant le livre), est elle aussi plutôt bien pensée ; que ce soit pour son émancipation ou son enfermement, les forces qui guident l'évolution de l'humanité échappent en grandes parties à notre conscience…si ce n'est pour les quelques privilégiés qui ont la chance (l'occasion ?) d'être acteurs de l'Histoire.

Et pourtant, c'est bien la somme des choix individuels qui la façonne, en fin de compte, comme finit par l'admettre Wang : on a toujours le choix et même si on en comprend pas toutes les implications, c'est l'éthique qui doit nous guider. Bref, Wang est un adepte de Weber ^_^

Au final, Wang est un texte plutôt agréable, c‘est de la SF dont on sent bien le « caractère français » et qui se lit encore très bien aujourd'hui. Ce n'est pas au niveau des Guerriers du Silence, du même auteur, mais c'est pas mal.
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