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Critique de MarcelineBodier


Décidément, Cathy Borie est un très grand auteur, qui a l'art de trouver les mots qui touchent la corde la plus sensible en moi... je viens d'en avoir une nouvelle preuve en lisant La nuit des éventails. Ce livre est en quelque sorte le tome 1 d'un ensemble qui se continue avec de la poussière et du vent, sorti récemment, et dont j'ai déjà parlé sur Babelio. Bon, depuis que des trilogies sont tournées au cinéma trente ans plus tard pour raconter ce qui se passait trente ans plus tôt, nous savons tous que ce n'est pas bien grave de découvrir les histoires dans le désordre... et c'est bien ce qui s'est passé avec ma lecture, même si je ne peux que recommander à celles et ceux qui n'ont pas encore tenté l'aventure de lire les livres dans l'ordre : sinon, une partie de la surprise du dénouement de la nuit des éventails est levée par la lecture de de la poussière et du vent (mais une partie seulement, croyez-moi).

La nuit des éventails est un livre qui se lit comme un roman à suspense. Pourtant, au départ, on n'a pas le sentiment qu'il va y en avoir plus que celui qui donne envie de connaître le destin des personnages : mais la construction en chapitres qui alternent entre la vie d'Émilien au début du 20ème siècle, et celles de Clarisse et d'Adrien plus récemment, est très habilement faite. A chaque fin de chapitre, on tourne la page à toute vitesse pour savoir ce qui arrive à celui des trois personnages qu'on était en train de suivre... et quand on découvre que le chapitre suivant repart sur un des deux autres, on est obligé de lire encore deux fois plus vite. le roman se dévore juste pour savoir la suite... jusqu'à ce qu'à la fin, on se rende compte qu'il y avait réellement des raisons d'attendre l'arrivée de plusieurs coups de théâtre. La nuit des éventails préfigure la construction que Cathy Borie a portée à son sommet dans Dans la chair des anges : à la fin, une révélation change tout le sens de ce qu'on vient de lire.

Mais La nuit des éventails est aussi une réflexion sur la création littéraire. Le personnage qui parle à la première personne, Clarisse, parle de l'écriture, de la difficulté de passer à un récit qui ne soit pas autobiographique, et du rôle de l'autobiographie : non pas un rôle thérapeutique comme on l'entend souvent dire, mais plutôt une manière de revivre les émotions les plus fortes de sa vie. Écrire pour amplifier la vie, pour faire revenir ses sommets à volonté afin de combler ses creux, pour y retourner grâce à la seule puissance du verbe même quand on est repassé à un quotidien plus terne... accepter cela et, petit à petit, s'éloigner insensiblement du souvenir pour entrer dans la fiction. Par la suite, en 2017, Cathy Borie a publié successivement une fiction complète (Dans la chair des anges) et un récit partiellement autobiographique (De la poussière et du vent) : c'est donc son propre processus de création qu'elle a exploré à travers son personnage de Clarisse, dès 2015. Certes, ce n'est pas le sujet principal du livre, mais il est émaillé de passages revenant sur la création et la mise en scène (d'une pièce de théâtre, mais aussi de sa vie), ce qui lui ajoute une dimension supplémentaire qui transporte le lecteur.

Un suspense qui se dévore et explore au passage les arcanes de la création... qui pourrait y résister ?
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