Citations sur L'hermine était pourpre (22)
Dans son bureau, le procureur s'arrachait les rares cheveux qui lui restaient. Les choses étaient décidément bien mal parties. Un crime perpétré dans le sérail du personnel judiciaire, tout d'abord, puis un suspect qui trouvait la mort dans l'enceinte même du Palais. Il se défendait d'appeler bavure ce deuxième incident. Mais son avancement allait avoir du plomb dans l'aile, et ne reprendrait peut-être plus jamais son vol.
– Vous savez, monsieur le procureur, depuis le temps que je suis dans la police, je vous assure que c’est toujours le même roman qui passionne l’opinion. À chaque crime sexuel, on fantasme : les ballets roses, l’affaire Baudis, que sais-je encore ? Et pourquoi pas un jour, le directeur d’un organisme international… ? Et la machine s’emballe.
Il ne se souvenait pas d’avoir vu de cadavre depuis ses premières années de substitut, lorsqu’à l’occasion de ses permanences, il était appelé par des gendarmes confrontés à une mort suspecte. À cinquante-cinq ans, parvenu au faîte d’une carrière sans gloire, il espérait encore décrocher son bâton de maréchal : il rêvait de finir dans la peau d’un Procureur général à la tête du parquet d’une cour d’appel de province.
Très déçue par ce roman. Je ne me suis pas du tout attachée aux personnages. Il n'y a pas cette ambiance noire que j'aime tant retrouver dans les romans policiers . Ce n'est pas mal écrit, mais je ne me suis pas du tout laissée captivée.
Après un temps de silence, le magistrat reprit :
– Mais surtout, monsieur le commissaire, vous mesurez l’émoi qui s’est emparé du Landerneau judiciaire, à l’annonce de ce crime. Les rumeurs les plus folles vont bon train, allant jusqu’à mettre en cause la probité du monde de la justice dans son ensemble…
Nous y voilà, songea Baudry, il faut éviter le scandale !
– On dit tout et n’importe quoi. Il nous faut couper court à ces bavardages, monsieur le commissaire…
Le commissaire Baudry franchit à regret les portes du Palais de justice. Il détestait cordialement ce monde de pisse-froid dont le jargon, les ors et l’hermine, même mitée, irritaient son âme simple.
– Je dois me sauver, je déjeune avec le préfet. Je compte sur vous, mon adjudant. Prévenez-le avec tact. Laissez une voiture à l’entrée du village pour l’intercepter avant qu’il n’arrive. Qu’on lui épargne ce spectacle…
Il désignait du regard la demi-douzaine de gendarmes qui s’apprêtait à pique-niquer sur place. Il salua l’adjudant. La voiture s’éloigna rapidement des lieux du drame, sans plus de respect pour les limitations de vitesse que pour la douleur d’un homme.
L’enquête devrait donc être diligentée au titre de l’homicide
La nature de ce crime attirerait sur lui l’attention de la Chancellerie. Mais si cette affaire pouvait servir ses ambitions, elle pouvait aussi en sonner le glas si l’enquête ne progressait pas, suscitant l’impatience de l’opinion.
L’essentiel de son temps était consacré au calcul des statistiques criminelles que lui réclamait régulièrement une Chancellerie avide de chiffres. Depuis longtemps, il ne requérait plus en audience. À dire vrai, il ne mettait les pieds dans une salle correctionnelle que pour le discours annuel – toujours optimiste – sur l’état de la Justice, à l’occasion de l’audience de rentrée du tribunal