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Critique de PedroPanRabbit


En matière de fantasy, quand un cycle a déjà exploité le meilleur du genre et que l'auteur s'engage dans la voie semée d'embûche d'une suite, le lecteur craint qu'on lui serve du réchauffé. Peur légitime et, de fait, souvent confirmée. La stratégie afin de ne pas tomber dans la redite ? Prendre un virage à 180 degrés. C'est le chemin suivi ici par Pierre Bottero et aussi une prise de risque si l'on considère que l'univers exploité dans ce premier tome des "Mondes d'Ewilan" diffère radicalement de celui raconté dans les trois précédents opus. Adieu les mondes parallèles aux allures médiévales peuplés de créatures fantastiques ; bonjour le monde moderne, ses dérives scientifiques et ses expériences parapsychologiques. En faisant d'Ewilan, de retour dans notre réalité, la victime de savants fous bien décidés à étudier et s'approprier son don, Pierre Bottero nous entraîne avec presque vingt ans d'avance dans une histoire à la "Stranger Things".

"Stranger Things" ? Oui, vous avez bien lu. le regard rétrospectif porté aujourd'hui sur l'intrigue de la forêt des captifs permet en effet de dresser ce parallèle, les mésaventures d'Ewilan et les enjeux à l'oeuvre n'étant pas sans évoquer l'histoire de Onze et les projets secrets du laboratoire d'Hawkins. Surprenant ses lecteurs en les immergeant dans un univers qui emprunte donc davantage à la science-fiction qu'à la fantasy, Pierre Bottero bouscule nos repères comme ceux des personnages. Il n'hésite d'ailleurs pas à convoquer de hautes sphères politiques dans son scénario, lequel renverse les codes préalablement instaurés dans sa propre mythologie, témoignant ainsi de sa capacité à passer, lui aussi, "d'un monde à l'autre".

Alors que cette seconde trilogie a été écrite dans la continuité de la première et que les événements racontés ne se suivent que de quelques mois, ce titre est résolument plus adulte. La tonalité est en effet plus sombre et les péripéties, parfois proches du trauma, mettent considérablement à mal les personnages. Il en reste une certitude, laquelle s'impose très tôt dans la lecture : le temps de l'enfance est terminé. Poussés dans leurs derniers retranchements par l'horreur de ce qui se trame dans l'Institution, Salim et Ewilan continuent de grandir, par nécessité plus que par choix. L'écriture, à ce titre, prend également des chemins nouveaux. A dessein, Pierre Bottero ôte cet élément de familiarité qu'étaient les citations alaviriennes en tête de chapitre. Il instaure ainsi une atmosphère plus pesante, précipite l'action ou, au contraire, entretient un flou malaisant. L'intrigue, fond et forme confondus, cultive l'appréhension du lecteur : grâce, notamment, à un audacieux jeu d'allers et retours dans le temps de la narration et à un rythme qui ne faiblit jamais, l'auteur distille un suspense efficace tout au long du roman.

En bref : En renouvelant son univers d'une touche de science-fiction inattendue, Pierre Bottero entame ce second cycle d'Ewilan avec un opus beaucoup plus sombre que sa première trilogie. Il fait ainsi s'effondrer les repères qui, dans le fond comme dans la forme, avaient depuis trois tomes instauré un sentiment de familiarité avec le lecteur. Désorienté autant que les protagonistes, celui-ci fait corps avec leur fuite désespérée et arpente cette forêt des captifs le coeur battant. le résultat n'en est que plus réussi : Pierre Bottero relève le (difficile) défi de se réinventer.


Lien : https://books-tea-pie.blogsp..
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