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Critique de HordeDuContrevent


Très charmée par « Nous étions le sel de la mer » pour lequel j'ai eu récemment un joli coup de coeur, je me suis tournée vers « La mariée de corail », deuxième tome de la trilogie gaspésienne de Roxanne Bouchard avec confiance, ce qui n'est pas si simple me concernant lorsqu'il s'agit de roman policier, en lisant très peu et étant davantage sensible à l'ambiance, à la plume, à la poésie qu'à l'intrigue en tant que telle. La jeune auteure s'est-elle laissé influencer par certaines critiques reprochant à son premier tome d'être trop poétique, ou trop teintée d'humour, l'accent étant mis sur la gouaille canadienne ? Je me le demande car force est de constater qu'elle a opéré un sensible changement de cap ici, axant davantage son livre sur l'intrigue et beaucoup moins sur ce qui faisait sa singularité dans l'opus précédent dans lequel la beauté le disputait à l'humour. Pourtant il semble faire davantage l'unanimité sur Babélio que le premier tome, une fois n'est pas coutume, je suis clairement à contrecourant, mon ressenti cependant lors de cette lecture est très personnel, surtout ne vous fiez pas seulement à mon retour, ce d'autant plus que je ne suis pas une lectrice de polar, ce livre a su plaire et a fait l'objet de très beaux retours !

Ma lecture a été teintée d'ennui et si, par moment, quelques fulgurances ont refait surface, abreuvant une soif quelque peu inextinguible en matière d'ambiance poétique et de plume singulière, l'enquête, qui n'a rien de très originale, qui manque même de rythme et qui est très proche du tome précédent, a été centrale et non un prétexte comme dans le tome précédent. de plus, Roxanne Bouchard a distillé des ingrédients semblables, à savoir la mort en mer d'une femme au caractère fort, la présence sur terre de femmes également au caractère bien trempé que les hommes jalousent ou admirent selon leur degré de misogynie, femmes qui vont donner du fil à retordre à l'enquêteur Morales en plein questionnement existentiel et qui ne se sent pas trop à sa place ni au sein de son couple, ni au sein de cette communauté où les rancoeurs larvées, les querelles secrètes entre familles, ou au sein même des familles, laissent ensuite place à une rancune tenace, voire à de véritables vendettas.

Nous suivons donc la seconde enquête du commissaire Joaquin Moralès, homme d'origine mexicaine venu s'installer récemment en Gaspésie. L'été avait été marqué par la disparition de Marie Galant, objet du premier tome, cette fois c'est Angel, pêcheuse de homard, qui a disparu en mer alors qu'elle célébrait quelques heures plus tôt son anniversaire de mariage dans une brasserie du hameau, et avait ainsi revêtu, comme chaque année depuis dix ans, sa robe de mariée. Son mari la raccompagne à la maison pour ensuite retourner faire la fête à la brasserie, et ce malgré la déception de sa femme qui préfèrerait que son homme reste avec elle. Lorsqu'il revient au petit matin, sa femme n'est plus là, son homardier non plus. Ce dernier sera retrouvé quelques heures plus tard sans Angel. Et le corps de cette dernière, sans vie, sera repêché peu de temps après. Elle avait été lestée avec l'ancre de son bateau. S'agit-il d'un suicide comme tous les indices, depuis le noeud auquel le corps est accroché jusqu'à l'absence de contusions et de traces de défense, le laissent penser ? D'un meurtre perpétré suite à une vengeance ou à une jalousie ?

« La femme flotte entre deux eaux, un mètre et demi sous la surface, les bras ouverts, les paumes de ses mains tournées vers le ciel comme si elle tentait de prendre son envol. Sa chevelure enrobe la tête, danse dans l'onde telle une méduse. Sa robe blanche, dans la transparence sombre des eaux, se déploie autour d'elle, camoufle ses jambes, ses pieds. Elle ressemble à un ange s'élevant des profondeurs de la mer ».

Heureusement, quelques passages sur la Gaspésie en ce début d'automne (l'enquête court sur quelques jours de fin septembre à début octobre) permettent de retrouver les paysages marins grandioses qui avaient fait le sel du tome précédent. Je m'y suis raccrochée comme on s'accroche à une bouée.
Ensuite, l'enquête prend de l'épaisseur au fur et à mesure des pages, je me suis sentie réellement bien qu'au tout dernier tiers du livre car alors les conditions de vie des pêcheurs, influencées par l'évolution des réglementations sur la pêche, sont bien expliquées et constituent une trame importante pour élucider la mort de la jeune femme.
Par ailleurs, la relation entre Joaquin Morales et son fils, Sébastien, trentenaire en plein questionnement existentiel comme son père, est bien amenée, touchante et authentique et interroge sur la transmission filiale.
Enfin, notons une carte de la Gaspésie en début d'ouvrage qui permet de visualiser les différents endroits, les biens nommés Cap-des-Rosiers, Rivière-au-Renard, Cap-aux-Os ou encore Coin-du-Banc-Percé…

« Quand le gouvernement a fermé la pêche à la morue, la moitié des pêcheurs du coin ont perdu leur source de revenus. le bateau, le permis, l'équipement, ça coute cher…Quand tu travailles d'arrache-pied, comme tes pères pis tes grands-pères l'ont fait avant toi, que t'es pauvre depuis tellement de générations que tu peux retracer l'arbre généalogiques de ta misère jusqu'au navire qui a débarqué ton ancêtre en Amérique ; que tu viens d'hypothéquer ta maison jusqu'au balcon, pis ton chien jusqu'à la queue pour mettre ton bateau à flot, t'as besoin que la saison commence. Imagine : le gars est accoté dans les dettes, la banque lui court après pis il attend juste ça, que la pêche rouvre. Mais elle rouvre pas ».

Comme dans Nous étions le sel de la mer, les femmes occupent une place importante dans le livre. A la fois fortes, indépendantes, libres, mais aussi objets de convoitise et de misogynie, ce focus incessant où l'auteure répète maintes et maintes fois qu'il est difficile d'être une femme dans un milieu d'homme a fini par me lasser. Ce message sans cesse proclamé semble entrer en contradiction avec les allusions permanentes sur leur physique de la part du commissaire et de son fils, je n'ai finalement pas compris où voulait en venir l'auteure, brouillant son message entre féminisme revendiquée et femme objet fantasmée.


Une enquête prenant réellement son envol au dernier tiers du livre, les deux premiers tiers de l'enquête manquant de rythme, une ambiance contemplative et poétique moins prononcée que lors du premier tome, des personnages un peu moins charismatiques et moins attachants, un message sur les femmes un peu lourd, redondant et flou, la sororité laissant place à de l'agacement, ce livre m'a ennuyée comme le font souvent sur moi les polars manquant de singularité. Il faut dire que j'avais tellement été enthousiaste avec « Nous étions le sel de la mer », que j'ai mis la barre bien trop haut…Dommage pour moi.

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