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Critique de gerardmuller


Les trois mamans du petit Jésus
Alphonse Boudard (1925-2000)
Alors que cette nuit de Noël de l'an 1895 annonce des festivités culinaires au claque de la Cigale d'or (ou Grand 18), au 18 de la rue Brantôme dans le IVe arrondissement d'une capitale qui à cette époque respire le crottin, un nouveau-né est abandonné dans une corbeille juste devant la porte de la maison close, un temple d'Eros plutôt discret.
Les pensionnaires du bobinard qui pour un soir ont délaissé les douceurs luxurieuses dispensés aux michetons, découvrent le lardon et n'écoutant que leur bon coeur, prennent soin de lui. Elles persuadent Madame Louisa la taulière à l'instinct de louve de l'adopter.
Mais règne dans cet univers des maisons de tolérance une dictature absolue des tauliers, en l'occurrence Monsieur Arthur, le seigneur et maître de Madame Louisa. Mais surprise : M. Arthur qui a de bonnes relations avec les argousins, se découvrant soudainement à la cinquantaine une vocation paternelle, souhaite adopter en bonne et due forme le bébé de Noël et décide de le prénommer Noël et non pas Jésus comme l'avaient suggéré les trois filles, car cela pourrait indisposer le bon Dieu de voir un Jésus installé dans un monastère de la lubricité. Les écrémeuses, Rachel, Lucie et Marthe néanmoins l'appelleront toujours Jésus, ainsi que la vieille Ursule qui le biberonne entre deux repas à préparer.
Plus tard, ne pouvant laisser grandir Noël en ces lieux de luxure, Madame Louisa, en bordelière scrupuleuse, le confie à une nourrice à quelques lieues du Grand 18, puis au collège catholique pour passer son certificat d'études primaires.
Pourquoi ne pas en faire un curé ? Les tapineuses à tour de rôle lui rendent visite comme le feraient des mamans. Et Noël va grandir et aller de découvertes en découvertes, bien initié par la pulpeuse et mamelue Marthe après avoir joué avec la petite Rosalie qui se disputait avec Ursule pour lui combler ses moindres désirs. Et Noël restant sur son quant-à-soi prend déjà conscience d'instinct de son pouvoir phallocratique qui va lui ouvrir des perspectives alléchantes.
Un récit savoureux et épique mené tambour battant et fourmillant d'aphorismes bistrotiers et d'anecdotes des plus sérieuses, historiques par exemple, aux plus croustillantes, dans une langue riche de verdeur au vocabulaire fleuri et aux expressions choisies, pour évoquer le Milieu et ses caïds et surtout les hétaïres du sérail. Alphonse Boudard est alors un artiste pour évoquer les jalminceries des trois filles pour se faire aimer à tout prix du petit Jésus.
Toute la vie de Nono est ainsi passée au peigne fin, Boudard courant à la recherche des sources qui au fil du temps se sont raréfiées. Paris, puis l'Argentine où il affure dans le turf et d'où il approvisionne largement en talbins ses comptes secrets en Suisse, puis le retour, la gloire jusqu'à ce jour du 13 avril 1946 où celle qu'on appelait la Jeanne d'Arc anti-maisons closes, la veuve qui clôt (Antoine Blondin !), Marthe Richard conseillère municipale de Paris, impose la fermeture des maisons de tolérance. C'est la fin du régime de la prostitution réglementée qui était en vigueur depuis 1804.
Un ouvrage passionnant publié en 2000, le dernier d'Alphonse Boudard mort peu après.
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