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Critique de Sommeilparadoxal


Ce commentaire concerne les 900 pages de "Bans et barricades" et spoile quelques éléments d'intrigue.
C'est un récit de steampunk social et politique.

Sur le genre de l'oeuvre.
Même s'il y a de la magie, des elfes, des nains et des orcs, ce n'est PAS de la fantasy. 1) le système magique, le "Kern", est rudimentaire (télépathie, prémonition) comme s'il commençait déjà à être écrasé par la science et la technologie industrielle (pour reprendre la thèse d'Anne Besson sur le sens de la fantasy, la recherche d'un merveilleux dans un monde désenchanté par la science et la technologie). 2) la référence historique n'est ni le Moyen-äge (comme chez Tolkien) ni l'antiquité (comme chez "Conan" d'Howard) mais bien le 19 ème siècle européen et surtout américain. On est bien dans le steampunk.

Sur le plan politique.
Je remercie l'auteur d'avoir eu l'intention d'injecter les luttes sociales dans la fantasy, genre de souvent réactionnaire politiquement (de moins en moins ces dernières décennies ?). On trouve notamment la lutte des classes avec une grève ouvrière insurrectionnelle. Une référence à l'oppression homophobe mais timide car seulement à travers l'homosexualité d'un personnage (donc pas de lutte proprement dite). Et une référence à l'antiracisme (cf la place du personnage orc), mais là encore, sans réelle lutte consciente. Quant à la lutte antipatriarcale, on se contente de dresser des personnages féminins qui sortent des clichés sexistes, sans plus. A comparer avec une Arya dans Trône de fer qui lutte contre sa condition féminine.
Pour ce qui est de la lutte des classes et du syndicalisme, on est tout de même très déçus au final. L'auteur valorise une image du syndicalisme peu reluisante. La Confrérie des nains, en effet, est plus proche d'un syndicat du crime que d'un syndicat de travailleurs. La preuve en est que dans le roman après la confrontation finale la pègre est défaite et qui la remplace ? les nains ! et il y a beaucoup d'autres exemples. Cela ne fait que conforter le préjugé courant sur les syndicats de travailleurs selon lequel il ne s'agirait que de "mafias", sans parler de conforter la tendance du pouvoir économique et politique à criminaliser ces luttes-là. Par ailleurs, tout en pratiquant une sorte de lutte armée (ou de crime tout simplement ?), tout en parlant de "grève générale" et "d'action directe", des clins d'oeil appuyés à l'anarcho-syndicalisme, pourtant comment dénoue-t-elle sa grève insurrectionnelle ? en appelant à voter pour un candidat à peine social-démocrate ("régionaliste" dans le récit) ! Quelle belle contradiction entre les symboles et les références politiques véhiculées par ce personnage collectif de la Confrérie des nains et l'un des personnages principaux du récit, Baldek. Et dans le récit, aucune protestation, personne ne pointe la contradiction, ça passe crème. Sans doute parce que pour l'auteur il n'y a pas de contradiction, sans doute que pour lui il ne s'agit que de références superficielles visant à poser une ambiance, au service de l'intrigue qui est plutôt de nature politicienne et militaire que réellement sociale.
On est très loin de "Germinal" par exemple où l'intrigue principale est la lutte ouvrière proprement dite !

Donc l'intention de politiser la fantasy dans le bon sens était toutefait louable mais je crois bien que sa mise en oeuvre conforte finalement l'ancrage réactionnaire qui lui colle à la peau.
Dommage.
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