Quand la volonté affronte l'obstination, elle ne suffit pas.
Quand tu y auras vécu plusieurs jours, tu comprendras. Tu sauras dans quel antre tu as mis les pieds. Une ville à l’allure de putain crasseuse.
Pas besoin de plusieurs jours. Quelques minutes suffisent, Olangar ne produit rien de sain. Aucun verger ici, aucun champ de légumes. La capitale est le ventre du royaume. Un ventre qui se gave des denrées fournies par les provinces du Sud. Les bas quartiers sont ses boyaux.
Une société qui accepte de vivre sur l’écrasement de certains de ses membres ne mérite pas mieux. Elle est coupable dans son ensemble…
Comme nombre de politiciens, il souffrait d'un profond complexe d'autorité et perdait patience à la moindre contrariété.
Nous devons aller au combat, confrères. Dès demain, je vous invite à déposer vos outils et à prendre vos armes Dès demain, je vous invite à vous rendre aux chantiers, non pas pour y travailler, mais pour les occuper ! Montrons à nos dirigeants corrompus que nous savons encore opposer la force du nombre à celle de l'argent ! Montrons-leur notre colère ! Rappelons-leur ce qu'est un soulèvement ouvrier ! Confrères ! Rappelons-leur à tous ce qu'est la grève générale !
Tout était symbole en politique. Les dorures du Parlement, les tuniques finement brodées des élus, et cetera, tout cela contribuait à établir une barrière avec le peuple.
À cet instant, un gros homme chauve surgit derrière le comptoir et s’époumone en invectives. Le patron. Les habitués le savent : il tient à son grand miroir mural plus qu’à ses recettes du mois. Il le lustre tant qu’il peut. Étrange, cette glace dans cette taverne ? Risqué ? Pas vraiment. Les rixes ne sont pas monnaie courante en ce lieu. Plusieurs putes du port s’y vendent. En cas de bagarres régulières, elles iront ailleurs, les clients en sont conscients. Ils évitent donc de faire du raffut. Et il y a une autre raison. La Confrérie des nains organise certaines de ses réunions dans cette taverne : ses membres apprécient la discrétion, et personne n’a intérêt à se fâcher avec eux. De fait, l’endroit reste calme. Le patron exhibe sans crainte son grand miroir. Les clients peuvent y voir leurs trombines de dockers, d’ouvriers, de « gueules noires » ou de voleurs. Ils peuvent constater que la même suie les recouvre. Ils peuvent aussi reluquer le reflet du cul des putes qui s’assoient sur le comptoir. Habituellement, le verre ne risque donc rien.
Habituellement…
Le conflit, ça signifie aussi des cadavres sur le pavé, et des gamins sans père et sans mère. Tu devrais essayer de pas l’oublier.