Citations sur Le maître des peines, tome 1 : Le jardin d'Adélie (12)
[...] car le père Bernard disait toujours :"celui qui mange une fois par jour est un saint; celui qui mange deux fois par jour est humain; mais celui qui mange davantage mène une vie égale à celle d'une bête. "
La mort, cette abstraction que l'on repoussait d'instinct vers un avenir imprécis, était subitement devenue un fait quotidien. Elle frappait sans discernement. Que l'on fût bien nanti ou non n'y changeait rien ; elle n'épargnait plus personne. Dans sa hâte horrible et violente de se propager, elle semait l'effroi. Les gens prenaient conscience de leur précarité et une nouvelle perception de l'être humain et de son existence se faisait jour.
[...] je crains fort qu'en sevrant ainsi l'enfance de tendresse notre génération ne finisse par produire des adultes qui ne feront pas plus cas des autres que l'on en aura fait d'eux pendant leur croissance.
C'est un attrait irrésistible pour un groupe que de pouvoir se persuader de sa supériorité devant celui qui ne cherche plus à se défendre. Rien n'est plus grisant que de pouvoir se moquer sans risque de représailles. La faiblesse, parce qu'elle est celle d'un autre, devient dérisoire. L'autre devient lui aussi dérisoire. Ce qui lui est fait n'est pas sérieux, du moins le croit-on. Car il ne viendrait jamais à l'esprit collectif rudimentaire et inconséquent d'une telle bande que, par son jeu soi-disant anodin, elle dépose sur les braises de la forge un fer qui pourrait bien un jour être brandi contre elle.
Sa tonsure se saupoudrait peu à peu de gris et il avait le visage lunaire de ceux pour qui la gourmandise avait du être inscrite par erreur dans la liste des péchés capitaux.
L'abbé avait lu qu'on recommandait toutes sortes de remèdes contre ce mal : vers de terre enduits de vinaigre, fientes de pigeons et graines de lin dans du vinaigre miellé, roux de la fiente fraîche d'une poule avec du vinaigre ,lait de brebis frais et cendres de cheveux de femme.
Louis était comme l'un de ces livres qui n'aimaient pas être ouverts. Sa reliure trop rigide en gardait jalousement les pages.
Quelque part en elle une voix lointaine, depuis longtemps disparue, lut intimait l'ordre de ne pas renoncer aux rêves et à la beauté, aux belles mélodies et au parfum des fleurs de pommiers. Non, il fallait à Louis un rêve à chérir, fut-il inaccessible, sinon l'enfant allait se voir condamné à sombrer réellement dans la folie
Mon père, je ne sens plus rien. Je pense que je suis mort. S'il vous plait changez moi en poussière. Je veux partir avec elle.
"Le chien frappé par une main hostile se méfiera ensuite de toutes les mains, y compris de celles qui ne désirent que le caresser. " p361