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Critique de Antyryia



Aujourd'hui, je suis désormais libéré de la promesse que j'ai faîte à Annabel, et je peux maintenant vous raconter l'étrange aventure qui m'est arrivé il y a quelques mois.
Tout ce qui suit est véridique.

Je m'en souviens encore comme si c'était hier. J'étais tranquillement installé dans mon canapé et je regardais un épisode de True blood, cette série fantastique où se croisent en Louisiane des vampires, des loups-garous, des métamorphes, des fées télépathes et autres créatures surnaturelles. Soudain, j'entends quelqu'un frapper à la porte.
Je me dirige alors vers la porte d'entrée, regarde par l'oeilleton.
Personne. Juste les relents d'une odeur nauséabonde.
Soudain, les coups reprennent. Et je me rends alors compte qu'en réalité ils proviennent de mes WC.
Mais comment diable quelqu'un aurait-il pu pénétrer par là ? Par le trou de la cuvette ? Soyons sérieux.
- Un petit instant, j'arrive ! dis-je à mon invité surprise le temps de faire un aller-retour à la cuisine chercher un grand couteau.
J'entrouvre alors l'accès au trône et je tombe nez à nez avec un hispanique grassouillet, uniquement vêtu d'une paire de chaussettes sales, d'un t-shirt non moins crasseux, et d'un grand slip blanc couvert de traces aussi brunâtres que suspectes.
- Qui êtes-vous et comment avez-vous fait pour vous retrouver à l'intérieur de mes toilettes ? demandais-je à l'intrus d'un ton qui se voulait assuré.
- Salut, salut ! J'm'appelle Sanchez. Vous pourriez lâcher votre dague ? Je ne me suis jamais senti très à l'aise face aux armes.
Sur le coup, j'avoue que je n'ai pas percuté. Comment s'attendre à voir débarquer chez soi un personnage de roman ?
Mais comme par automatisme, j'ai inséré le couteau dans ma ceinture.
- En temps normal je tiens un petit bar à Santa Mondega, le Tapioca. Mais actuellement je suis au Purgatoire avec Scratch et les Dead Hunters. Là bas je peux me déplacer partout dans le monde en un clin d'oeil en me téléportant d'un lieu d'aisance à un autre. Je suis bien au beffroi d'Arras ?
- Vous êtes bien à Arras mais l'hôtel de ville est à deux kilomètres d'ici. Vos toilettes téléportatives devaient être mal réglées, répondis-je, toujours dubitatif même si cette histoire abracadabrante éveillait quelque chose dans un recoin de ma tête.
- Oh, je suis vraiment désolé ! Est-ce que je peux vous offrir une bouteille de ma cuvée spéciale pour me faire pardonner mon intrusion ?
Sortie de nulle part, en tout cas d'aucun endroit avouable, le gros Mexicain me tendit une Leffe décapsulée au jaune douteux et à l'odeur âcre.
- Surtout ne buvez pas ! intervient alors une nouvelle voix, juste derrière nous.
Mes toilettes étaient donc devenues le dernier lieu de rendez-vous à la mode ?
- Sanchez ! Rentre tout de suite au purgatoire ! le diable te cherche partout ! Tu n'as pas tiré la chasse d'eau ! Et c'est pas le moment de le contrarier, il est assez vénère comme ça depuis qu'il a appris que le Bourbon Kid et Beth avaient survécu sur l'île de Blue Corn.
- Allez quoi, je peux bien visiter le beffroi encore cinq minutes. Et Scratch ne va quand même pas faire un scandale pour un petit pipi de rien du tout.
- C'était la grosse commission Sanchez, et tu en as mis absolument partout. L'odeur est abominable. Même Flake a fait la grimace.
- Ok, ok murmura mon premier invité surprise, visiblement contrarié.
Une dame âgée et élégante sortit des cabinets et laissa entrer à sa place l'immonde tas de graisse, qui disparut aussitôt comme en passant par une porte invisible.
Laissant juste une flatulence asphyxiante derrière lui, comme ultime preuve de son passage.

- Je suis vraiment désolé pour le désagrément occasionné, j'ai envoyé Sanchez au mauvais endroit suite à une petite erreur de manipulation. Au fait, je m'appelle Annabel de Frugyn.
- V... V... Vous êtes la D... D... Dame mystique ? balbutiais-je avec émotion.
Malgré ma stupéfaction, les cases du mystère commençaient à trouver leur place dans ma petite tête.
- C'est l'un de mes nombreux surnoms, en effet.
- Et je ne suis pas en train de rêver ? Vous, le Kid, Beth, Sanchez le gros patapouf vous n'êtes donc pas que des personnages issus du livre sans nom ?
La prophétesse me pince alors tellement fort que mon éveil ne fait plus aucun doute.
- Aïe !! Mais vous n'êtes pas censée être morte vous d'abord ? demandais-je avec un peu d'agressivité
- Si, mais j'ai passé un pacte avec le diable, Scratch. Il m'a donné droit à une seconde chance et en échange je lis l'avenir pour lui.
- Je peux vous poser une question indiscrète ? Vous êtes une véritable voyante ou vous êtes une usurpatrice ? Parce que parfois vous êtes totalement à côté de la plaque alors que d'autres fois vos prédictions sont étrangement justes.
- Ca vous le saurez en lisant le prochain roman d'Anonyme.
- Vous savez de quoi il parle ? l'interrogeais-je, tout excité à l'idée d'en savoir plus sur tous mes héros préférés, plus réels que je ne le pensais jusqu'alors, des êtres véritables faits de chair et de sang à l'exception bien sûr de la main artificielle de Rodeo Rex.
- Je ne vais pas pouvoir rester, à moins que vous ne vouliez prendre le risque qu' Elvis ou Jasmine débarquent dans votre appartement et fassent un massacre.
- Hmmm Jasmine ... murmurais-je, songeur. Créature de rêve se promenant toujours quasiment nue ...
"Elle avait l'habitude de se déshabiller à l'improviste, sans se soucier le moins du monde de l'endroit où elle se trouvait lorsque l'envie lui en prenait."
- Vous êtes toujours avec moi ?
- Oui oui ! Ecoutez, je suis prêt à tenter le coup. J'ai trop hâte d'avoir un aperçu de la suite de vos péripéties, à tous ! Je vous adore ! Surtout quand vous vous livrez a des carnages !
- D'accord. Alors je vais avoir besoin de trois choses. La première : Vous devez me promettre solennellement de ne jamais parler de notre conversation avant la parution du roman d'Anonyme chez Sonatine. C'est pour des histoires de copyright et toutes ces conneries, je pense que vous comprendrez. La seconde : Je vais avoir besoin d'une boule de cristal. Et enfin, ça sera 50 € la séance.
- Promis, juré ! affirmais-je en courant récupérer une boule à neige de la basilique de Saint Denis, en espérant qu'elle fasse illusion ainsi qu'un billet orange.
- C'est parfait ! affirma Annabel, qui plongea immédiatement en pleine transe. le prochain volume du Bourbon Kid s'intitulera "Que le diable l'emporte".

- Quels personnages va-t-on retrouver dans ce nouvel épisode ?
- Exactement les mêmes que dans Bourbon Kid, dont ce tome est la suite directe. Rodeo Rex, Elvis, Jasmine, J.D., Beth, Flake et Sanchez seront tous de la partie. Ainsi que Scratch et moi-même. Et je crois voir quelques personnages rencontrés dans le cimetière du diable faire leur retour.
- Est-ce que Sanchez sera toujours aussi prout-prout que d'habitude ?
"Je le trouve également assez amusant, en particluier dans le registre pipi-caca."
- J'en ai bien peur. La force de notre petite bande n'a jamais été notre évolution psychologique mais davantage les situations complètement inextricables, loufoques, extravagantes, inattendues, inédites ou ridicules dans lesquelles peuvent nous emmener le moindre petit quiproquo. Mais pour répondre à votre question, monsieur ...
- Antyryia
- Oui, je le savais. Pour répondre à votre question, j'ai donc peur que le tenancier du Tapioca, qui ne tardera pas à revenir à Santa Mondega pour rouvrir son bar, ait toujours les mêmes blagues pourries. Vous devriez donc le retrouver à essayer de refiler des flasques de sa propre urine à ses nouveaux clients, comme il a essayé de le faire avec vous. Il continue à passer la moitié de son temps avec le pantalon baissé pour soulager divers besoins naturels, y compris en plein festival musical gay dans des cabines réservées aux personnes handicapées. Ou à noyer des chauves-souris sous ses excréments. Je comprends que ça puisse lasser à force, mais on ne le changera plus.
- Est-ce qu'il y aura à nouveau un livre au centre de l'intrigue ? Comme c'était le cas avec le livre sans nom ou le livre de la mort ?
- Pas au centre mais en périphérie oui, vous verrez, il sera beaucoup question d'un guide pour adultes intitulé : le plaisir anal à l'usage de l'homosexuel d'aujourd'hui.
- Si je comprends bien Anonyme se fiche à nouveau complètement des convenances et du politiquement correct ?
- Vous savez, il se contentera de relater ce qui va réellement nous arriver. Mais effectivement il y aura encore des choses pas tres jolies jolies. Un moine qui met des nonnes enceintes avant de les réduire en cendres, une aveugle qui se fait tabasser avec sa propre canne blanche, un infirme auquel on vole le fauteuil roulant, et des homosexuels en danger de mort à Santa Mondega. On ne va pas faire dans la dentelle cette fois encore.
- J'y pense, vous savez probablement qui se cache derrière cet auteur anonyme ? Dites-moi, est-ce que c'est Quentin Tarentino ? le prince Charles ?
"Personne n'est assez stupide pour écrire un livre sans nom sans lui donner de titre."
- Ca je ne peux pas vous le révéler ou il vous réduirait définitivement au silence. Mais réfléchissez un peu. Qui pourrait bien vouloir demeurer ainsi incognito ? Qui serait arrêté si les autorités connaissait son identité ?
- Euh … à peu près tout le monde ? Mais vous voulez dire que l'auteur est l'un d'entre vous ? Mais c'est pas possible ! m'écriais-je, ayant toujours du mal à admettre la réalité de ces personnages aussi fous furieux que profondément attachants.
- Motus et bouche cousue, je ne vous révèlerai rien de plus.
- Et que va-t-il arriver au Bourbon Kid cette fois ?
"L'homme à la capuche était le Bourbon Kid, le plus grand meurtrier de l'histoire de Santa Mondega."
Annabel se concentra et regarda dans la boule à neige. Soudain ses yeux se révulsèrent.
- Rien de bon, j'en ai peur. Je viens de faire un lointain saut dans le temps et j'ai vu Beth, vieille désormais, allongée sur son lit de mort. Elle parlait à son fils Olivier. Elle se confiait enfin à propos de son père le Bourbon Kid, qu'il n'a jamais connu. de la façon dont il est mort six mois avant sa naissance.
"Tout ce temps passé à mener une vie normale avec Beth l'avait ramolli."
- Mais ça n'est pas possible, ça ne peut pas déjà être la fin des aventures de mon psychopathe préféré ! le sang du Christ coule dans ses veines je vous signale, il ne peut pas mourir, il n'a pas le droit ! Je voudrais qu'il y ait encore douze volumes au minimum ! murmurais-je, les yeux embués, sentant la colère et le chagrin me dévaster.
- Tout cela est flou, mais J.D. et Beth sont désormais acculés de toutes parts et ne font plus partie des Dead Hunters. Beth est enceinte et ils aspirent à vivre une vie normale, Mais ils sont poursuivis de toutes parts. Par le FBI bien sûr qui veut à tout prix mettre hors d'état de nuire ce meurtrier sanguinaire, mais également par le colérique Scratch en personne, mon employeur. JD n'a pas respecté sa part du marché passé avec lui.
"Et l'une des clauses du contrat stipulait que dans le cas où JD aurait un jour des enfants, ceux-ci seraient livrés au diable et exécutés."
Alors JD, Beth et leur enfant à naître fuient de cachettes en refuges, et ont habituellement toujours une longueur d'avance grâce à la paranoïa du futur papa. Et pourtant ... il se pourrait bien cette fois-ci que son adversaire ait une bonne longueur d'avance. Notamment grâce à son arme secrète libéré des enfers : le comte Dracula en personne.
Encore sous le coup de l'émotion, je n'ose cependant en demander davantage sur le sort de J.D. et je préfère changer de sujet.
- Et les Dead Hunters que font-ils pendant ce temps ?
- Eh bien ils vont bien être occupés de leur côté également. Tout d'abord, à la demande du père Papshmir, ils vont libérer un dangereux assassin du couloir de la mort. A la suite de quoi des meurtres particulièrement violents auront lieu à Santa Mondega à quelques jours de l'Eclipse. Drôle de coïncidence, vous ne trouvez pas ? Et vous n'êtes pas sans savoir qu'à cette période le pire peut arriver. Ca sera d'ailleurs l'occasion pour Rodeo Rex et Elvis de se replonger dans leurs propres meurtres, examinant les photos de leurs corps autopsiés. Une enquête qui devra être particulièrement discrète à la demande du maire, qui appréhende que cette vague de crimes ne soit mauvaise pour le tourisme. Une chasse qui sera pleine de surprises et de digressions lors desquelles nos héros vivront des moments totalement débiles et hilarants.
- Et vous dans tout ça Annabel ?
- Eh bien j'ai simplement fait ce que je devais faire.

- Eh, la Dame mystique ! Y a le patron qui te cherche, appelle une nouvelle voix.
Je reconnais immédiatement le grand bonhomme qui vient d'entrer par le portail. Séduisant, il a surtout une main métallique qui ne peut pas mentir sur son identité. J'aurais préféré voir Jasmine à moitié nue mais je me sens malgré tout honoré par cette visite.
- Rodéo Rex ! m'écriais-je en m'avançant vers lui, le considérant désormais comme un ami.
- Quoi, morveux ?
- Puis-je toucher votre prothèse ? demandais-je, les mains tendues et de la lumière plein les yeux.
- Essaie un peu pour voir.
Je me suis alors pris la torgnole la plus violente de mon existence, j'ai même cru sentir ma tête se détacher de mon cou. J'ai volé à travers toute la pièce et ma tête est venue atterrir sur un gros radiateur en fonte.
- Allez Annabel, il est temps de laisser ce mariole et de rentrer au bercail.
Ce sont les dernières paroles que j'ai entendues avant de sombrer.
Le lendemain, j'ai passé ma journée dans les chiottes malgré ma bosse de la taille d'un oeuf d'autruche et je n'y ai jamais trouvé le moindre portail.

* * *

Le 28 août 2019, j'avais enfin le précieux sésame entre les mains. J'allais savoir si la voyante m'avait raconté des craques et surtout j'allais enfin en connaître plus sur le devenir de mes héros certes stupides et tueurs mais ô combien attachants pourtant, avec une angoisse toute particulière pour qui vous savez.
Sexe, sang, caca & rock n'roll.
A peu de choses près, tout ce que m'avait révélé Annabelle de Frugys s'était avéré exact.
Parfois, j'ai eu l'impression que toute la série d'aventures s'essoufflait, avait du mal à se renouveler, surtout sans nouveaux personnages.
Malgré quelques bonnes idées, le côté scato de Sanchez a déjà été vu et revu et si au début on en sourit, il est à force devenu lassant.
Et pourtant ...
Que le diable l'emporte plus que n'importe quel autre tome auparavant continue à écrire la légende du Bourbon Kid. Son mythe s'étoffe plus que jamais, rassemblant des pièces de puzzle restées dans L'oeil de la lune ou le cimetière du diable.
Je ne vous dirai bien sûr pas ce qui va ou non lui arriver.
Tous les personnages ont droit à leurs chapitres tour à tour, mais globalement ce sont deux histoires qui nous sont racontées, bien différentes même si elles se recoupent par endroits.
D'abord cette fuite de Beth et J.D., peut-être vaguement plus humain maintenant que sa famille va s'agrandir, une histoire bourrée d'adrénaline et de testostérone, mais aussi d'émotion, d'imprévus et de retournements de situations que je n'ai pas du tout vus venir. Pour la première fois, les larmes que j'ai pu verser pendant l'une de ces lectures déjantées n'étaient pas de rire.
Et en parallèle, on a les Dead Hunters devenus enquêteurs, avec un véritable assassin à retrouver. Un véritable côté polar donc, qui contient également son lot de rebondissements mais surtout son lot de situations cocasses tellement énormes et en même temps tellement décalées et inattendues parfois que le sourire ( d'enthousiasme cette fois devant autant de conneries ! ) se porte automatiquement à nos lèvres. Par exemple, quand Elvis et Rodeo Rex doivent s'introduire dans le couloir de la mort pour libérer le dangereux Melvin Melt d'un prison de haute sécurité, leur premier réflexe est de penser à imiter Michael Scofield de Prison Break et de se faire tatouer les plans de la prison sur le corps. D'ailleurs, toutes les références à des acteurs, chanteurs, films participent à donner cette dimension décalée dans ce territoire infesté par les créatures des ténèbres ... tandis que parallèlement Sanchez prend son bain en regardant Bernard et Bianca.
"Je suis un peu comme Keanu Reeves et toi Sandra Bullock" dit Elvis à Rex en faisant référence au film Speed.
Ils sont dingues, ils ne respectent rien, ils se retrouvent systématiquement dans les situations les plus bêtes possibles, tant d'un point de vue personnel que professionnel. Pour peu que tuer des gens puisse être considéré comme un travail.
Alors je pardonne volontiers l'humour un peu répétitif parce que d'une part, l'humour déjanté continue à faire mouche la majeure partie du temps, et d'autre part, l'auteur ( quel qu'il soit ! ) a su construire son récit de façon à surprendre le lecteur plus d'une fois. Loin de se contenter de faire un copié-collé des précédents volets, il en a gardé les ingrédients tout en y intégrant des moments plus tragiques, menant le lecteur par le bout du nez.
Un régal, comme toujours.

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