AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de SZRAMOWO


« — Ravaillac, François Ravaillac. Un illuminé qui aurait agi seul, sur un coup de folie. »
C'est ce que l'opinion pense à propos de l'assassinat de Henri IV. Mais sa disparition intervient à point nommé. Louis XIII, trop jeune pour régner, est sous la coupe de la Ligue Catholique proche de Marie de Médicis de Concini et de la Galigaï.
Il y a des raisons objectives de s'inquiéter. Les protestants de France redoutent une alliance entre la France et l'Espagne, la Saint-Barthélemy est présente dans tous les esprits. de son côté, l'Angleterre partage les mêmes inquiétudes et craint de se retrouver isolée en Europe.

La trame de l'histoire se fonde sur le célèbre adage « à qui profite le crime ? »

Ce polar historique nous projette dans l'Histoire avec un grand H, mais aussi dans le Paris quotidien de 1611.

Mattheus Kassov, le praguois est lieutenant de police dans la Garde Royale à Londres, au service de sa majesté, (tiens ça me rappelle quelque chose, mais non...) ; il apprends le Français, coaché par Lord Dawson et s'apprête à quitter Londres pour Paris où le roi Jacques 1er l'a chargé d'une mission.
Il a passé huit années à Londres et depuis quelques mois les subtilités de la langue française n'ont plus de secret pour lui. Maître Bourlié, un protestant ayant trouvé refuge en Angleterre, lui fait réciter du Ronsard, le reprenant à chaque faute d'article et de temps.

Mattheus Kassov doit retrouver Margaret Dorchester une espionne (on dit une « mouche ») du roi. Elle a disparue dans Paris alors qu'elle devait élucider les circonstances de la mort d'Henri IV.

Margaret est une vieille connaissance de Mattheus :
« (…) dans cet espace réduit mais confortable, Mattheus avait connu les délices de la chair dans les bras de Margaret Dorchester, la sulfureuse espionne qu'il était précisément chargé de retrouver à Paris.»
A Paris, Mattheus Kassov devient Matthieu Quassoy commis d'Antoine Praslin, artisan drapier et prévôt des marchands de Paris.

Le roman évoque avec tendresse et mélancolie le Paris du XVIIème siècle, « la cohue de Paris toute bruissante de la cacophonie des marchands interpellant le chaland. » « Carrosses, cavaliers et charrettes à bras disputaient l'espace aux mendiants, soldats, laquais, porteurs d'eau et autres piétons pressés de vaquer à leurs affaires. Les cris des hommes et des animaux, le claquement des sabots sur les pavés, le grincement des essieux… » ; la gouaille de ses « Françaises au tempérament de braise (…) » « — Vous odorez bien fort, monsieur le voyageur, et vous allez décourager ma pratique. Allez donc manger plus loin votre bracole et faire votre cour aux gargouilles de Notre-Dame, vous ne leur causerez pas de tort ! » ; ses petits métiers et les coutumes de l'époque, « le péage est tenu par les archers du Châtelet qui ont charge de police. Tout impécunieux que l'on soit, on ne peut passer gratis. Cet homme a fait la démonstration d'un tour de dressage. Cela s'appelle « payer en monnaie de singe ».

On y croise aussi Shakespeare. Helen la femme de Mattheus est costumière au fameux théâtre du Globe. le capitaine Landrock qui fait traverser la Manche à Matthieu Quassoy cite le dramaturge de Stratford Upon Avon dans le texte ! Matthieu ne peut s'empêcher de lui révéler certains traits de caractère de l'auteur dont il loue la maison à Londres :
« Il ressemble parfois à l'un des personnages de ses comédies, un peu distrait, toujours agité par quelque fantaisie, et dans le même temps il a l'oeil à tout, au détail d'un costume, à la disposition du décor, à la bonne interprétation de ses acteurs. Ajoutez à cela qu'il se tient informé de chaque recette et qu'il gère sa fortune avec la rigueur d'un banquier italien, qu'il s'habille sans ostentation et, lorsqu'il habitait à Londres, vivait dans une certaine austérité, entièrement consacré à ses écritures, et vous aurez un portrait approximatif du personnage. »

Mattheus découvre la France avec plaisir même si parfois, il se prend « (…) à sourire, convaincu que les Français étaient particulièrement doués pour les complications d'étiquette et le vain bavardage. »

Son enquête piétine, même si « (…) par l'aide discrète d'Antoine Praslin, il avait obtenu ce jour-là une entrevue avec un homme de la plus haute importance nommé Maximilien de Béthune, mais que tout le monde appelait M. de Sully. Ancien ministre du feu roi, le duc de Sully était, pour l'heure, gouverneur de la Bastille, grand maître de l'artillerie et des fortifications et capitaine des eaux et rivières. »

Il se laisse aller aux joies de la gastronomie française « Jacoline Praslin posa sur la table un grand plat sur lequel s'étalaient les morceaux tout juste découpés d'une poularde rôtie fourrée d'ail, d'oignons et de pruneaux. Une servante apporta une corbeille de pain frais ainsi qu'un saladier rempli de panais fumants généreusement saupoudrés d'épices et de fleur de sel. »

Bientôt rejoint par son oncle Josef venu de Prague, aidé par Michel Praslin le fils du drapier, Mattheus se lance à corps perdu dans la recherche de Margaret Dorchester. Au fur et à mesure qu'ils retrouvent des traces du passage de la « mouche » de Jacques 1er, la mort les précède. Les commanditaires de l'assassinat d'Henri IV fermant toutes les portes avant qu'ils ne les découvrent pour éviter que la vérité n'éclate au grand jour.
Plus que jamais, les trois hommes se sentent « Huguenots en terre catholique, espions en pays étranger, le moindre faux pas les condamnait. »

Mattheus Kassov, même sous le pseudonyme du commis drapier Matthieu Quassoy est un redoutable enquêteur capable de déjouer tous les pièges et de jouer de l'épée des poings et du pistolet avec une adresse et une précision redoutable. Cet homme a aussi de la méthode. Il consigne dans son journal d'enquête tout ce qu'il observe, tout ce qu'il pense, même ce qui à première vue n'a aucun rapport avec l'enquête. Il a « constaté qu'il y avait dans la chose écrite une matière solide à quoi la mémoire peut s'arrimer »

Un merveilleux roman qui se lit avec grand plaisir. A découvrir.

Un clin d'oeil de l'auteur à la BD Les 7 vies de l'épervier de Juillard et Cothias, dans laquelle on voit le jeune roi Louis XIII s'exercer à l'art de la Fauconnerie en compagnie du Duc de Luynes. Scène très proche décrite dans le roman de Etienne Bourcy.
Commenter  J’apprécie          200



Ont apprécié cette critique (19)voir plus




{* *}