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Critique de Levant


J'aime aussi de temps à autre lire un roman du terroir. Comme la plupart de ceux du genre il nous conte l'histoire des petites gens. Il délaisse la capitale où tout se noue et se dénoue en ce pays pour nous ancrer quelque part en province, dans l'univers des vieux métiers, avec la tentation d'infiltrer dans nos esprits que "c'était mieux avant !"

Ce que Michel Serres s'ingénie à contester dans son ouvrage éponyme. C'était mieux avant, uniquement parce que de cet avant on connaît le lendemain, et que par-dessus tout ce dont l'homme a peur c'est de l'inconnu.

Avec le fils maudit de Françoise Bourdon, nous sommes au pied du Mont Ventoux dans un Luberon qui, à la fin du XIXème siècle, avec ses airs de Toscane n'avait pas encore les faveurs du tourisme de villégiature qu'on lui connaît aujourd'hui. Le vieux métier qu'elle explore a disparu depuis longtemps. Il ne reste d'ocriers aujourd'hui que quelques artisans de musée-vivant lesquels se sont donnés pour vocation d'entretenir le souvenir d'une patine sur les murs de Provence.

Le fils maudit est le mal aimé d'un rustaud de beau père qui lui reproche de ne pas être porteur de ses gènes, étant déjà dans les jupes de sa mère lorsqu'il l'a épousée. Car en ce temps-là transmission du patrimoine, tant immobilier qu'outil de gagne-pain ou même seulement génétique ne se concevait que par descendance mâle. Les filles et autres pièces rapportées ne recevaient que mépris, voire indifférence dans le meilleur des cas, du patriarche de la famille.

Les femmes seront sans doute les plus avisées pour démentir que c'était mieux avant. S'il le fallait encore, pareil ouvrage nous rappelle à leur condition dans les familles. Leur rôle ne s'arrêtait bien souvent qu'à porter la progéniture et la nourrir au sein, quand ce n'était pas à seulement éteindre le feu des pulsions du mâle. Alors que dire d'une femme qui aurait voulu faire des études ? Le temps des hussards noirs de la république balbutiante nous ouvre aussi à la condition ouvrière de la révolution industrielle en notre pays. En même temps que la montée des profits des patrons elle donna le jour à l'utopie égalitaire colportée par ces maudits rouges qui rêvaient d'autres choses que de plier l'échine sous la férule d'un capitaine d'industrie peu soucieux de leur confort.

On peut difficilement parler d'intrigue dans pareil ouvrage qui nous relate les joies et plus souvent les peines d'une ou deux générations dont l'obsession était de se perpétuer en transmettant leur héritage. La gageure étant de faire vivre des héros fictifs dans la grande histoire sans en modifier le cours. On apprécie que ce genre d'ouvrage soit bien documenté et pouvoir le situer parmi les quelques dates et événements que notre maigre bagage historique a retenu pour nous faire comprendre d'où l'on vient.

Le fils maudit est de ce point de vue un bon ambassadeur du genre.

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