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Critique de michfred


Magnifique roman noir et rural.

Tout est impressionnant de maîtrise: le style, puissant, terrien, tragique; l'action, lente, secrète, filtrée; le lieu, âpre , enneigé, rude, et enfin , et surtout, les personnages taiseux, rudes, cassés, courageux et fatalistes, qu'il s'agisse des bêtes ou des gens- le chien Mars m'a émue autant que Gus son maître.. .lequel d'ailleurs porte le nom d'un chien cher à mon coeur, le mien!

Beau comme du sang sur la neige...

En effet, les Cévennes protestantes enneigées de Grossir le ciel n'ont rien à envier au Vercors glacé d'un Roi sans divertissement, de Giono, un de mes livres préférés, que je chroniquerai peut-être un jour si j'en trouve la force et les mots, tant il mérite d'être loué dignement .

Oui, il y a dans le beau roman de Frank Bouysse quelque chose de pascalien, il y a quelque chose de janséniste dans cette tragédie paysanne lente et funèbre, où le hasard et la nécessité tissent leurs toiles mortelles autour de deux vieux paysans, éleveurs de vaches d'Aubrac -chères à mon coeur elles aussi- ôtant, avec une ironie cruelle, tout libre arbitre aussi bien à Gus qu'à Abel , son voisin, son ami.

Et leur refusant,dans le repli hautain de leur (in)justice divine, si étrangère à nos coeurs, la grâce que nous, lecteurs bouleversés,
nous voudrions tant leur accorder...

Cette injustice, cette jalousie divine est soeur de la Némésis, la cruelle divinité qui envoie Oedipe au casse-pipe en feignant de l'aider, comme Gus , qui croyant être maître du jeu, le perd, se perd, et perd tous les êtres qui pourraient le tirer de sa solitude.

J'ai d'abord été désarçonnée par l'épilogue, mais avec le recul, je le trouve lui aussi magistral: de même que le choeur dans les tragédies grecques donne l'étiage d'une humanité moyenne face au rouleau compresseur du destin, Bouysse donne le dernier mot, celui de l'exodos, à une pauvre vieille qui redonne au personnage bouleversant de Gus toute sa fragile dimension humaine...

A peu de chose près , et avec un léger glissement vent arrière du H, une symphonie de Malheur.
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