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Critique de gerardmuller


Thérèse philosophe /J. B. Boyer d'Argens (1703-1771)
Ce roman érotique paru en 1748 est attribué à Jean-Baptiste Boyer d'Argens sans que l'on en soit certain. Évoquant l'éducation libertine de son héroïne, Thérèse, sur le mode autobiographique, il a connu un immense succès dès sa parution. le thème s'inspire d'un fait divers qui eut lieu en 1731 et passionna la France, mettant en scène les querelles religieuses et anticléricales. (en postface)
L'histoire aborde la relation réelle étrangement mystique qui s'établit entre Jean-Baptiste Girard (appelé Père Dirrag dans le roman), un jésuite recteur du séminaire de Toulon, et Catherine Cadière (appelée ici Mlle Éradice).
le récit commence sous la forme d'une confession que la jeune Thérèse adresse à M. le Comte, lui rapportant comment s'est passée son enfance et sa jeunesse. Et ce n'est pas triste ! Il faut savoir que Éradice a été l'amie de Thérèse et le Père Dirrag son directeur de conscience et ce sont bien leurs actions qui ont dessillé les yeux de Thérèse sur ses préjugés de jeunesse, toute une série de petites aventures qui l'ont conduite, comme malgré elle, pas à pas, au comble de la volupté.
Durant toute son enfance, on lui parla d'amour pour la vertu et d'horreur pour le vice. Et Thérèse allait voir que tous ces bonnes âmes se trompaient, car dès l'âge de neuf ans, elle sentit des désirs dont elle ignorait la cause. Deux années de libertinage innocent lui apprirent ce qu'il en était et sa mère en représailles décida de la mettre au couvent.
Rapidement elle fut amenée à se confesser auprès du Père qui blâma alors les petits jeux auxquels elle se livrait innocemment. le jeûne et la prière allaient bien remettre bon ordre. En elle toutefois l'amour de Dieu côtoyait toujours le plaisir de la chair.
L'intime débat philosophique s'engage alors sur le thème de la liberté de penser et de choisir.
À vingt-cinq ans, sa mère la retire du couvent où elle dépérissait à force de dévotion dit-elle. Elle poursuit néanmoins ses exercices de piété, et ce avec le Père Dirrag dont la plus tendre pénitente n'est autre que Mlle Éradice qui est depuis longtemps la dupe de sa sainte lubricité, laquelle devient l'amie inséparable de Thérèse. Sur ce, la demoiselle invite Thérèse à être témoin oculaire caché de son bonheur lorsqu'elle est en compagnie du Père Dirrag. On peut imaginer la suite lorsque le Père, conduit sa naïve pénitente à des fins impudiques, agenouillé derrière elle, invoquant le cordon sacré de Saint François pour exorciser le diable qui pourrait sommeiller en sa docile prosélyte, avant de diriger le rubicond priape vers la route canonique tandis que la jeune fille implore ardemment le Seigneur, agenouillée sur son prie-Dieu avant de jouir du bonheur céleste. La tendre et docile jeune fille est alors persuadée d'être tombée dans une extase divine purement spirituelle lorsqu'elle jouit des plaisirs de la chair les plus voluptueux. Il est certain que Thérèse sortit de là toute émoustillée…avec des conséquences pour le moins fâcheuses…
Mlle Éradice par la suite fit la connaissance d'un moine passionnément amoureux d'elle qui lui dessilla les yeux.
Thérèse, sur le conseil de sa mère fréquente Mme C. qui d'emblée engage avec elle une conversation empreinte de lasciveté au sujet de stigmates qui seraient apparus sur son corps et de douleurs qu'elle ressent pour des raisons à peine avouables. Laquelle Mme C. s'empresse de donner de bons conseils à la jeune fille pour qu'elle puisse modérer l'excès de ses désirs et tempérer le feu qui les excite et ce afin retrouver une santé qu'elle avait chancelante. Au besoin afin de parfaire ses connaissances Thérèse espionne Mme C. et l'Abbé T. qui ne se privent d'aucune privauté tout en philosophant sur le plaisir et le péché.
Par la suite, Thérèse fait la connaissance de Mme Bois-Laurier, une libertine de profession qui lui raconte sa vie mouvementée en raison d'une malformation anatomique, ainsi qu'un florilège de débauches libidinales dont elle a été témoin.
Par la suite Thérèse nous décrit sa relation avec M. le Comte et notamment les raisons qui l'ont décidée à rester avec lui. Et s'adressant à lui en lui faisant part de ses sentiments, déclare : « Je me rappelle que vous m'interrompîtes à ce doux épanchement de mon coeur. Vous me promîtes que vous ne contraindriez jamais mon goût et mes inclinations…et nous partîmes pour votre terre…Mon esprit n'était occupé que du soin de vous plaire. Deux mois s'écoulèrent sans que vous me pressassiez sur des désirs que vous cherchiez à faire naître dans moi. J'allais au-devant de tous vos plaisirs, excepté de ceux de la jouissance, dont vous me vantiez les ravissements, que je ne croyais pas plus vifs que ceux que je goûtais par habitude (à musse-pot !) » En somme le bonheur parfait, surtout avec la suite à venir…
Pour conclure, je veux bien croire que Thérèse et ses proches aiment et surtout trouvent le temps de philosopher à propos du bonheur et du plaisir, mais enfin l'essentiel de leur temps et la majeure partie du contenu de cet opus n'est sans doute pas là. Pour un moment de lecture émoustillant et ce dans un style merveilleusement XVIIIe, sans aucune vulgarité ni mot déplacé.
Postface.
Jean-Baptiste Girard (1680-1733), jésuite dévoué, d'abord professeur et prédicateur apprécié, fut nommé recteur du séminaire royal de la marine à Toulon. de nombreuses pénitentes le choisirent pour directeur, dont l'une, Catherine Cadière, particulièrement mystique et falsificatrice, le mena à sa perte auprès d'un janséniste ennemi en l'accusant de séduction, d'inceste spirituel, de magie et de sorcellerie.
À peine âgée de dix-huit ans, Catherine Cadière était une jeune et jolie pénitente de bonne famille mais nourrie de lectures illuminées. Elle passait dans son quartier pour une sainte, férue de miracles et autres désirs d'apparitions. Un jeûne prolongé durant le carême l'affaiblit et favorisa son zèle visionnaire alors qu'elle demeurait alitée. Son confesseur, le père Girard, la trouva ensanglantée d'une plaie au flanc gauche qu'elle disait provenir d'un ange apparu au cours de son sommeil. le religieux l'examina ; dévot mais non dupe et, semble-t-il, intègre, il l'avait assistée jusque-là dans ses extases et excès mais préféra dès lors rompre avec sa protégée. Celle-ci lui en tint rigueur au point de le dénoncer pour abus, ce qui valut à l'intéressé un procès retentissant.
Le procès fut animé de fervents débats qui aboutirent à la relaxe du père Girard en octobre 1731 à une seule voix de majorité, douze juges sur vingt-cinq l'ayant condamné à être immolé. Cette affaire célèbre (connue par un Recueil général des pièces concernant le procès entre la demoiselle Cadière, de la ville de Toulon, et le père Girard, jésuite, recteur du Séminaire royal de la marine de ladite ville, La Haye, 1731) donna lieu à de nombreux commentaires, alimenta les polémiques pour les années à venir et inspira notamment ce fameux texte libertin paru en 1748 : Thérèse Philosophe.
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