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Critique de PamRamos


Régis Boyer est mort le 16 juin 2017, à 84 ans, et j'ai tardé à m'en émouvoir, prise dans la course folle de ma propre existence. Pourtant je lui devais beaucoup et il me manquera de ne plus me faire engueuler dans chacun de ses livres, perpétuellement excédé qu'il était, comme un homme trop sage qui n'a pas tenu le coup face aux assauts répétés de la médiocrité des clichés.

Car si Régis Boyer, bien entendu, est « le maître incontesté » des études scandinaves, il détestait cette mode récente de porter aux nues le moindre fait et geste de nos compagnons du Nord, immanquablement réduits à de simples pourvoyeurs de bien-être et de beaux enfants.

Régis Boyer fut un furieux, probablement toute sa vie, et n'a pas réussi à éteindre sur la neige de l'Ultima Thulé ses ardeurs à nous combattre. A-t-il souhaité seulement se civiliser ? J'en doute. le lire nous faisait signer silencieusement un pacte, celui d'accepter de se faire secouer, rembarrer, humilier puis presque simultanément éclabousser par une lumière jalousement préservée, une impeccable vision panoramique à couper le souffle, une analyse douloureuse de résolutions formidables, de celles qui vous confirment et vous emboîtent un peu mieux dans un ensemble de miracles.

Il nous en voulait, de plus. de ne pas lire les Lettres du Nord. Les fondatrices, les excellentes. de ne jurer que par nos racines grecques et latines, certes importantes, en ignorant superbement ce qui, justement, faisait de beaucoup de nos actuels Scandinaves des modèles de prospérité, de cohérence, d'ouverture aux marginalités. Et il ne se gênait pas pour nous le dire, à chaque occasion (une note de bas de page en forme de gifle, une introduction bien sentie, une conclusion sans appel).

Régis Boyer ne nous témoignait pas un grand amour, à nous autres Français. Et pourtant il fallait nous aimer beaucoup, pour refuser à toutes forces, et jusqu'à la mort, de nous abandonner à nos fausses pistes, perdus dans la forêt fantasmée d'un monde du Nord unifié qui n'existe pas : un bon lecteur sait tout ce qu'il aura gagné à passer outre son style étonnant.

Régis Boyer n'a pas trouvé la paix. Il a trouvé bien mieux. Il nous a intimé toute sa vie de nous défier de toute léthargie intellectuelle. En plein désert, elle tue. Il demeure toujours quelque chose à trouver après la conversion.
Lien : https://pamelaramos.fr/pourq..
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