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Critique de RosenDero


Les Dames du Lac.

Une plongée dans la (grande) Bretagne médiévale, au temps d'Arthur, de Lancelot, de Gauvin et de Merlin. Mais ici ce ne sont pas les hommes qui vont marquer le lecteur ; généralement connues à l'aune de leurs fils, maris ou pères, ce seront Guenièvre, Ygerne, Morgause, Viviane et surtout Morgane les héroïnes principales et primordiales de ce roman exceptionnel.

J'ai beaucoup aimé l'ambiance générale qui ressort de cette histoire : la froidure des vieilles pierres, la moiteur de marais, l'éclat de la lune, le reflet de l'or, les sonorités des rites et l'odeur de la lande, tout cet atmosphère qui fait de l'oeuvre (et de l'écriture) de Marion Zimmer Bradley une pièce unique. A côté de cela, les personnages sont mémorables, et repris des multiples traditions relatives à la légende d'Arthur et à la matière de Bretagne. La construction du récit, sur une longue période, tient beaucoup à l'attachement que l'on ressent pour les personnages rencontrés, on les suit parfois du début à la fin, ils sont tantôt à l'origine de la légende, puis complètement effacés, ils évoluent, murissent, s'affirment ou se révèlent. Les femmes surtout, fidèles à leurs croyances ou certitudes, pleines de doutes face aux caprices de la vie (et il seront nombreux…), dans l'ombre des hommes ou, au contraire, leurs égales ou supérieures.
Car sous des airs de fantasy galloise, ou d'un cadre médiéval fantastique, ce sont des messages fermement progressistes et toujours d'actualité que l'auteure véhicule. Violences conjugales (avec une dose de syndrome de Stockholm), avilissement de la femme, patriarcat comme modèle de société, le tout étant dû à cette transition entre sociétés libertaires polythéistes / païennes, égalitaires et tournées vers la nature d'un côté, et religion monothéiste liberticide, dogmatique, misogyne, violente et hypocrite de l'autre. La critique du christianisme et de sa position vis-à-vis des femmes est acerbe.

L'histoire en elle même est prenante ; on espère pour ces femmes, on souhaite du bonheur à la malheureuse, on croise les doigts pour la survie de l'enfant venu au monde ou à naître, on attend la formation des couples aimants, et souvent, on déchante ou on change d'opinion lorsque les uns se dévoilent finalement. La quasi totalité du récit se lit dans une certaine tension, et émane de lui un fort pessimisme (le tableau est très noir, tant du côté individuel - personne n'est vraiment heureux, et les accidents de la vie, les malheurs qui frappent les personnages, même les plus anodins, sont poignants - que global) et un sentiment de gâchis monumental ne peut qu'envahir le lecteur face à l'obscurantisme religieux qui avance inexorablement en lavant les cerveaux et détruisant la culture, porté par des fanatiques aveugles. Nul doute que la trilogie des Elfes de Fetjaine est fortement empreinte de l'oeuvre de Zimmer Bradley, avec ce fatalisme et ce dépit du lecteur qui assiste, impuissant et totalement conscient, à la chute d'une harmonie certes fantasmée mais par certains côtés bien réelle.

Bref, un récit fort et intense, à ne pas lire en période de déprime :)
(reste que le découpage en plusieurs tomes est fort frustrant !)
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