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Critique de horline


Quel est ce secret enfoui au fin fond de la forêt du Hedmark qu'Evelyn souhaite révéler, la vieillesse approchant son terme, à son fils Wilhelm installé aux États-Unis et qu'elle n'a pas revu depuis trente ans, et à un acteur prénommé Robert, qu'elle croit avoir reconnu comme étant son petit-fils ? Un secret si toxique qu'il semble s'être disséminé dans le sang des trois personnages pourtant éloignés des uns des autres.
Kari F. Braenne a fait sienne l'idée qu'il n'y a rien de plus impénétrable que les histoires de famille, surtout lorsque celles-ci se révèlent chaotiques et donnent naissance à une lignée maudite. Ainsi dans un roman où domine le silence, l'auteure norvégienne dessine ses personnages comme des bombes à retardement. Mortels à plus ou moins long terme. le détonateur étant avant tout la figure inébranlable de la mère, écrasante par sa rancoeur et son venin qu'elle diffuse lentement. Un fils et un hypothétique petit-fils qui laissent le sentiment d'être en fuite permanente, lorsque ce n'est pas à l'extérieur du pays c'est au moins à l'intérieur d'eux-mêmes. Et une étrange culpabilité qui dévore à petit feu, mais pas ceux qui ont gratté l'allumette. A chacun de suivre un chemin au coeur de cette forêt où aucune lumière ne passe, celui de la rédemption ou de la déperdition, qu'eux seuls peuvent décider d'emprunter …

L'ombre maudite est un roman effroyable. Par ce qui est dit de manière précise et tranchante. Par ce qui est suggéré à travers des images fugaces, des souvenirs sensitifs, des confidences arrachées à la solitude. C'est cette faculté à saisir ce qui relève de l'insondable qui capte et retient l'attention chez Kari F. Braenne : une narration toute en pointillés laissant planer une dramaturgie singulière et qui explore au plus près les zones d'ombres de personnages perchés tels des équilibristes sur une corde raide.
Pour redoubler l'effet, l'auteure norvégienne calque le récit sur la forêt, toujours présente, parfois menaçante, jamais innocente. Elle en fait plus qu'un décor, une présence dense et froide, un vide vénéneux, de sorte que l'on progresse dans le récit à pas de loup, la révélation de la vérité étant aussi lente que la dissipation du brouillard.
La lecture avançant, on prend pleinement conscience de la construction minutieuse qu'offre l'auteure, elle possède le talent de jouer brillamment du mystère et de la trouble densité des personnages. Rien n'est laissé au hasard, ici le détail est révélateur et l'évocation inquiétante. Pour autant, la lecture ne demande aucun effort particulier : le récit est rythmé par des instantanés qui s'entrechoquent et entrent en résonance les uns avec les autres.
Je dois reconnaître que je suis tombée sous le charme de ce qui ressemble à une pesanteur captivante, ce roman exerce une force étonnante. A condition toutefois de dépasser le début laborieux laissant le sentiment que l'écrivaine n'avait pas quitté ses habits de dramaturge (des ressorts dramatiques et des tempéraments trop appuyés).
Ça faisait longtemps que je ne m'étais pas emballée pour une fiction, cette histoire d'héritage piégé rayonne d'une beauté cruelle.
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