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Critique de GeorgesSmiley


Vous connaissez Serge Bramly ? Oui ? Bravo vous avez sans doute lu « le premier principe-le second principe » qui lui a valu l'Interallié de 2008. Moi, avant de recevoir par la Poste son nouvel ouvrage, renseignement pris le vingt-neuvième ce qui pose un peu son auteur, je n'avais jamais entendu son nom. Le plouc, quoi !
Eh bien, le plouc s'est régalé, avalant, dans la journée, je n'ai rien fait d'autre, tant pis, ce livre passionnant.
C'est un livre de souvenirs sur une période de sa vie où, à la joie et à l'excitation de voir un de ses romans sortir en librairie succéda, presqu'immédiatement, une double frustration ; littéraire, d'abord car le livre qui l'a tant occupé jusqu'alors lui devint « un étranger dont je me méfie. C'est mon livre et il ne m'appartient plus. Ta tâche est achevée, me dit-il. L'ingrat n'a plus besoin de moi, sinon pour assurer sa promotion. de même que Rivka, il a sa vie à lui, me fait-il comprendre, où je n'ai de part que périphérique et subalterne. »
Les pages qu'il y consacre sont, pour le béotien que je suis, très éclairantes sur le phénomène de dépossession qu'il ressent, un peu comme le baby blues de la jeune mère de famille à son retour de clinique. Intéressants sont les passages où il décrit son rituel de travail ou celui de Giono bien éloigné du sien. J'ai beaucoup apprécié également le soin (certains diraient la coquetterie) qu'il met à éviter, lorsqu'on l'interroge sur sa profession, de se présenter comme écrivain ou la manière dont il utilise son entourage pour nourrir ses personnages. Il alimente et éclaire ses réflexions en citant Voltaire, Thérèse d'Avila, Edgar Poe, Kafka ou Flaubert, toujours à propos sans que l'on puisse penser, qu'il en rajoute.
La seconde frustration, la plus importante, celle qui semble, si longtemps après, toujours à vif c'est la rupture d'une liaison adultère à son corps défendant. C'est le tout début du livre : « Nous marchions en direction de la place de la République lorsque Rivka m'a annoncé qu'elle mettait fin à notre liaison. Décision réfléchie, je le percevais au son de sa voix. Jugement sans appel. »
C'est le fil conducteur, la plaie talentueusement grattée tout au long du récit dont le pouvoir évocateur emmène le lecteur à partager son tourment. Ca ne l'empêche pas de nous raconter de belle manière ses années 70, ses voyages, ses amis, ses parents, la mémoire qui déforme et pourquoi il n'a jamais écrit le roman historique sur la conjuration de Catilina que son éditeur attendait.
Deux cents pages plus loin, le lecteur emballé par cette prose si claire, si érudite et si attachante, comprendra enfin le choix du titre, et la genèse du Réseau Melchior, le roman qui permit de conserver la confiance de l'éditeur et que je vais me procurer sans tarder, tant ma lecture d'aujourd'hui en appelle d'autres. Il saisira le cadeau Pour Sensi, que constitue ce livre et appréciera la beauté de la dernière page, et en particulier cette dernière phrase : « L'écriture, ce n'est pas un simple mode d'évasion ou d'appréhension, c'est d'abord cet ouvrage d'aiguille, une réparation, un fin ravaudage, la couture qui rappellera longtemps, aussi longtemps que possible, ce qui a existé. »
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