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Critique de karmax211


Tout petit, à la maternelle, dans les années 50, entouré d'ombres noires encornées d'une blancheur à s'y "méprendre", entre le verre de lait de Mendès et la croix d'honneur qu'on recevait tout fier le samedi à midi, j'ai fredonné un après-midi, était-ce avant ou après la sieste ?... de mes lèvres enfantines " une jolie fleur dans une peau de vache". L'ire des amazones de Pie XII s'est alors abattue sur moi avec la brutalité de ces censeures qui n'hésitaient pas, pour protéger la chasteté virginale de leurs divinités, à enscotcher des lèvres purpurines envoûtées par le malin qui n'avait pas hésité à emprunter les traits poupins qui étaient les miens à l'époque. Je dus, le bec cloué par leur saint sparadrap, attendre que ma mère vienne récupérer son petit suppôt de Satan, qu'elle se répande en contritions, pour que la sainte inquisition ne me défasse de mon bâillon et me laisse enfin respirer librement cet air après lequel je gaspais depuis des heures tel un poisson qui aurait trop pêché.
Ce fut sur le radeau de ces "méduses" que je fis la connaissance de celui qui faisait passer les copains d'abord, et n'en déplaise aux encornées "fluctuat nec mergitur" fut la leçon que je retins de ces mères de substitution qui passaient leur temps à me faire croire qu'elles étaient mes soeurs.
Peut-être est-ce à elles que je dois d'être un mécréant à qui il arrive de songer plus souvent qu'à son tour que " est-il en notre temps rien de plus odieux, de plus désespérant, que de n'pas croire en Dieu ? J'voudrais avoir la foi, la foi d'mon charbonnier, qui'est heureux comme un pape et con comme un panier..."
Peu d'années s'écoulèrent avant que je retrouve, amoureux, l'ami Georges sur les bancs publics, puis encore un peu de patience avant que j'entende des voix bien intentionnées s'écrier " gare au gorille !".
Jeune homme, convoqué par mon pays pour m'acquitter de mes obligations à son égard, je refusai le quatorze juillet de marcher au pas sur une musique qui ne me regardait pas. Et que m'importait qu'on me fît une mauvaise réputation, j'avais rendez-vous avec vous. Vous dont le mari était parti un soir d'orage vendre des paratonnerres, vous à qui je répétais... quand je pense à... mais non, vous à qui je disais "j'ai l'honneur de ne pas te demander ta main, ne mettons pas nos noms au bas d'un parchemin." Vous que je contemplais dans l'eau de la claire fontaine ou donnant la gougoutte à votre chat. Avant vous, je n'avais jamais ôté mon chapeau devant personne... maintenant je rampe et je fais le beau ... j'étais chien méchant... et vous m'faites manger dans votre menotte. Eh oui, je me suis fait tout petit devant cette poupée qui ferme les yeux quand on la couche...Je me suis fait tout petit devant une poupée qui fait maman quand on la touche..." Pourtant des passantes dans ma vie sont passées, toutes ces femmes qu'on aime pendant quelques instants secrets, celles qu'on connaît à peine, qu'un destin différent entraîne, et qu'on ne retrouve jamais. Qu'elles fussent marquises, filles de joie, filles à cent sous, nymphomanes ou femmes qui, quatre-vingt quinze fois sur cent s'emmerdent en baisant... toutes m'ont convaincu qu'il n'y a pas d'amour heureux. Nous sommes comme ce petit cheval dans le mauvais temps... et pourtant, tout est bon chez elles, y'a rien à jeter, sur l'île déserte il faut tout emporter. Comme il faut de tout pour faire un homme, j'ai même été lèche-cocu... souvenez-vous... et tandis que lèche-cocu se prosternait cornes au cul devant ses éventuelles victimes, par surcroît, l'on couchait aussi - la morale était sauve ainsi - avec sa femme légitime . de toute façon et quoi qu'on en pense et dise, Cupidon s'en fout !
Qui peut dire, du moins parmi ceux de ma génération, celle d'avant et celle d'après, qu'il ne s'est pas senti accompagné par "le gros" comme le surnommait Brel quand ces potes de génie étaient pleins comme des cochons ?
On connaît la rengaine concernant Brassens : 3 accords et pom pom pom.
Que nenni ! L'homme composait d'abord au piano, et tout bon musicien vous dira que ses mélodies sont beaucoup plus élaborées que ce qu'en disent les mauvaises langues.
On lui reproche aussi son libertarisme, son anarchisme, son pacifisme... que certains associent à une forme de pleutrerie qui ne dit pas son nom.
Des chansons comme Les patriotes...Quant à nos trépassés, s'ils ont tous l'âme en peine, c'est pas d'être hors d'état d'mourir d'amour cré nom de nom, mais de ne plus pouvoir se faire occire à la prochaine, au monument aux morts , chacun rêve d'avoir son nom.
La Guerre de 14-18 ou le Général dort debout ont été détournées par leurs détracteurs dans ce sens.
Je songe en revanche à La tondue, chanson peu connue... et pour cause... qui sait ?
La belle qui couchait avec le roi de Prusse, avec le roi de Prusse, à qui l'on a tondu le crâne rasibus, le crâne rasibus. Son penchant prononcé pour les " ich liebe dich", pour les "ich liebe dich", lui valut de porter quelques cheveux postich's, quelques cheveux postich's. Et ces cheveux dont il va ramasser une mèche, il la mettra à sa boutonnière en guise de rosette...
Donc, les musiques de Brassens sont de très jolies musiques et ces textes font partie du patrimoine poétique français. C'est du moins ce dont je suis persuadé moi, qui "vis" avec Brassens depuis plus de soixante ans et dont ce livre qui contient l'ensemble de son oeuvre, de ses écrits est une bible... que je garde près de moi en permanence depuis des années et que je consulte de temps à autre, car elle parle mieux que beaucoup des femmes ( sans misogynie ) des hommes et des dieux. Et toujours elle se garde des périls qu'il y a à vouloir s'approcher trop près des trompettes de la renommée.
Brassens l'intemporel.

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