Un jour, tu engages une histoire amoureuse avec quelqu'un d'autre, et toute ta sexualité en est bouleversée. C'est une expérience incroyablement puissante, car elle te fait envisager un monde de possibilités sur tu entrevoyais à peine auparavant. Cela déclenche un tsunami intérieur parce que tu découvres des pans entiers de toi-même que tu ignorais jusque-là. Et cela t'amène à t'ouvrir, te relâcher et t'accueillir encore un peu plus.
Or, s'il est vrai que la sexualité comporte une part d'animalité, elle ne s'y résume pas. Ce qui fait tout le sel et une bonne part de plaisir de faire l'amour se trouve ailleurs. C'est dans les hésitations, les maladresses, les marques d'attention à l'autre, le désir de lui donner du plaisir, les caresses, les regards profonds échangés, la douceur mutuelle, la vulnérabilité consentie, la nudité de l'âme et des sentiments que montre l'émotion partagée qui fait toute la saveur d'une belle relation sexuelle.
C'est tout le problème. Quand un jeune homme se dit dégoûté par les poils pubiens de la jeune femme qui s'offre à lui ou qu'il exige une fellation avant la première caresse, ou qu'il trouve normal d'éjaculer sur le visage de sa petite amie, est-il encore avec elle ? Ne serait-il pas plutôt en représentation dans un film qui se fait dans sa tête, en train de se comparer à ce qu'il a vu auparavant ? C'est comme s'il se disait intérieurement "Alors, maintenant, elle me suce. Et après, je la pénètre en la pilonnant bien fort. Puis, quand je sens que ça vient, je sors et je lui balance tout au visage." Dans un tel monologue intérieur, l'impératif de l'action impersonnelle se substitue à l'émotion relationnelle. Quant au partenaire, il disparaît.
Car nous autres hommes, nous ne sommes pas doués pour parler de ce qui nous rend vulnérables et fragiles : nos sentiments, nos émotions, et notre sexualité. Plus nous sommes proches, et moins nous partageons ce qui, croyons-nous, risque de nous faire paraître faible aux yeux d'un autre homme.