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Critique de Soleney


Il y a du bon et du mauvais dans cette lecture – comme dans toute lecture, d'ailleurs. Mais je dirais que pour cette saga, c'est assez équilibré.
Le bon, pour moi, c'est l'univers. C'est la société des sorcières, c'est le principe de la magie (basé sur le chant), c'est le personnage de Mirage, c'est le mystère.
Et le mauvais, c'est Miryo (je n'ai pas aimé les chapitres la concernant, et d'après les autres critiques, je ne suis pas la seule), les nombreuses longueurs, les descriptions, l'inaction… Plusieurs fois, j'ai trouvé que Marie Brennan s'embourbait dans des détails sans importance et dont on se serait bien passé.
C'était une lecture plutôt fastidieuse que je ne recommanderais pas à un lecteur novice.

Mais le principe du livre est pourtant très intéressant. L'auteure a eu le mérite d'avoir repensé plein de choses pour enrichir son univers :
- Les éléments et la religion : les éléments qui constituent le monde ne sont plus quatre, mais cinq. Il y a les quatre matériels (feu, terre, air, et eau), et il y a le non-matériel : le Néant. Ils ont une dimension religieuse car ils sont associés aux visages de la Déesse : la Vierge, la Mariée, la Mère, l'Aïeule, et la Guerrière. de fait de ces visages, il existe différentes manières de prier : en se recueillant en silence (une méthode que nous connaissons tous), en chantant (déjà, c'est un peu plus original), ou en dansant (et ça, c'est complètement innovant). de même, il existe des tendances religieuses qui frôlent le sectarisme, accordant l'accent sur tel ou tel visage, ou diabolisant la Guerrière… C'est complexe, mais c'est aussi bien pensé, car ça évoque des choses que nous connaissons (plusieurs facettes d'une divinité en une, comme pour la Trinité, les quatre éléments, plus un que nous arrivons à nous représenter, etc.) ;
- L'organisation de la société : originale dans le sens où une femme tout autant qu'un homme peut régir un des nombreux royaumes qui font partie du continent. Ils s'appellent Seigneurs et Dames, et c'est le plus haut titre qu'il puisse exister. Ce ne sont pas à proprement parler des rois (en tout cas, ce n'est pas comme cela que je l'ai ressenti), car la multiplicité et la petitesse des royaumes leur donne plutôt l'influence de nobles hauts-placés ;
- le découpage des heures : c'est un petit détail qui m'a bien plu ! Un carillon équivaut à trois de nos heures, et chacun a son nom propre. Je me suis efforcée d'apprendre chacun de ces noms au début de ma lecture pour ne pas être ennuyée en cours de route, et grand bien m'en a pris ;
- le principe des chasseurs de primes : ils sont « officiels », et nombreuses sont les écoles qui les forment. Une certaine rivalité opère, d'autant plus que les méthodes d'enseignement ne sont pas les mêmes. Ils sont peut-être à l'opposé des sorcières, et accordent plus d'importance à la Guerrière qu'aux autres aspects de la Déesse ;
- le mythe des sorcières, justement : il est à des années-lumière des légendes que nous connaissons. L'auteure s'est vaguement inspirée des contes d'origine (il n'y a pas de sorciers, et toutes les sorcières ou presque sont rousses) pour leur donner un nouveau souffle et a beaucoup brodé autour. La magie se maîtrise par le chant, elle se base sur les cinq éléments et elle n'est pas innée (je souligne ce dernier point car je l'ai beaucoup aimé – c'est si rare, en fantasy !). Un rituel magique permet de créer un « canal » dans l'esprit d'un nouveau-né, lui donnant la possibilité de puiser dans le pouvoir autour de lui. Mais malgré ses vingt-cinq ans d'études, une apprentie sorcière peut échouer à son examen et devenir une Cousine : un être qui a perdu la mémoire et qui se retrouve au service de ses anciennes soeurs. J'ai lu dans les critiques que quelques personnes étaient embarrassées par la multiplicité des titres honorifiques de sorcières. Moi, ça ne m'a pas gênée. La première fois que j'ai lu ce livre, je me suis contentée de les ignorer, et cette fois-ci, j'ai essayé de les retenir et ça a (presque) marché. Pour moi, c'est plutôt bon signe, car ça démontre une grande imagination (il y en a 26 différents, dont le « Katsu » commun à toute sorcière…).

Marie Brennan a réfléchi à son univers avant de le créer, c'est évident. le fait de mêler plusieurs cultures en donnant des consonances japonaises aux titres des sorcières est aussi amusant (d'autant plus qu'il y a une (petite) référence aux Trois Royaumes dans le tome 2, période historique importante pour la Chine… Il fallait la voir, c'est vrai).
Malheureusement, j'ai l'impression qu'elle n'a pas cherché à travailler ce qui allait s'y passer, et c'est ce que je lui reproche.

Quant aux personnages… Je n'aimais pas Miryo, comme je l'ai dit plus haut, mais j'avais beaucoup d'affection pour Mirage (sûrement parce qu'elle est plus dégourdie que son sosie : ça fait déjà cinq ans qu'elle est sur les routes à remplir des contrats et tuer des malfrats alors que l'autre est encore une étudiante qui n'a jamais quitté la Chute de l'Étoile. Et puis, c'est vach'ment plus cool d'avoir des capacités physiques hors normes plutôt qu'une magie incontrôlable^^). Les autres personnages sont très peu représentés : Éclipse est assez effacé, Glace est une vraie garce que j'aurais aimer haïr un peu plus, mais elle n'apparaît pas souvent, Miryo quitte Eikyo assez vite et – bien sûr – ses deux Cousines de compagnie ne se montrent pas très bavardes.
En revanche, Satomi est une vraie révélation, dans le deuxième tome. On ne la connaissait pas vraiment avant, mais là, on a des chapitres entiers consacrés à elle, sa charge de Prime, ses intrigues, ses manigances (pas toujours avouables, mais c'est pour la bonne cause…). Je l'ai adorée, parce qu'elle devient humaine : avant, elle nous apparaissait froide, hautaine, dotée d'un sang-froid à TOUTE épreuve. Maintenant, on voit la pression qu'elle s'inflige pour conserver uniquement l'impression de ce sang-froid. Sa fatigue, ses pertes de patience, ses accès de désespoir… Garder le peuple des sorcières uni représente une tâche colossale dont personne ne peut ressortir indemne – ou sans faire un faux pas…

Dernier point : l'écriture. Marie Brennan écrit bien, même elle fait trop de descriptions. Il y a eu des passages où j'ai dû me forcer à continuer (surtout dans Sorcière), mais comme l'univers me plaisait, ça s'équivalait. La fin de ce tome, en revanche, je l'ai lu en une matinée car toute l'action y est condensée ! Toutes les révélations arrivent et on n'a pas le temps de souffler.
Les pensées des personnages, en italique, m'ont quelque peu dérangée. Trop nombreuses sont celles qui sont superflues, coupent l'action ou la fluidité de la narration, et n'apportent rien d'intéressant. C'est pourtant un système que j'aime bien, dans l'écriture, parce qu'il permet au lecteur d'avoir un aperçu de la réaction à chaud du personnage. Mais il y en avait trop, et trop mal utilisées.

Les Deux Soeurs a comme un goût d'inachevé, pour moi. Quand on y réfléchit, le continent sur lequel se passe l'histoire est remarquablement petit (deux-trois semaines à cheval et on l'a traversé de part en part), et je me demande s'il n'y a pas d'autres terres, ailleurs. de plus, il y a encore nettement matière à approfondir, avec la fin que nous a servie l'auteure. Des ébauches de réponses sont proposées, mais on ne connaitra jamais la vérité. Marie Brennan peut tout à fait envisager de créer une autre série comme suite de celle-ci, car il y a encore plein de choses à découvrir (quoique, vu la date de parution, ça m'étonnerait qu'elle le fasse un jour).
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