Un sort de persuasion.
Un sort destiné non à obliger – c'était impossible – mais à manipuler les impulsions déjà présentes chez la personne, à transformer les étincelles en flammes, de sorte que l'idée qui avait été envisagée et rejetée semblait soudain la seule solution.
Trop de questions avec trop peu de réponses, et elle n'était pas du tout sûre de vouloir se lancer dans ces expérimentations.
Cela va de l'est à l'ouest et du nord au sud et d'un domaine à l'autre, les mains portent l'espoir mais il n'y a pas d'espoir dans leurs mains. Plus d'une est la mort. Plus d'une est la guerre. La guerre est une de cinq.
Écrasée parce qu'elle avait échoué à affronter la Terre. Brisée parce qu'elle n'avait pas su plier avec l'eau. Rendue folle quand elle avait perdu son calme dans l'Air. Détruite par son échec à brûler avec le Feu.
Annihilée par le Néant, parce que son intégrité intime n'était pas assez prononcée.
Devait-il vraiment en être ainsi ?
Les Rayons n'ont rien à voir avec la magie. (…) Et les Clés et les Primes effectuent des tâches administratives, d'organisation. L'aptitude à user de la magie du Néant ne me donne pas la moindre qualification pour ce genre de poste.
Des enfants plus jeunes qu'elles sont envoyées dans des temples dont elles ne ressortiront jamais. On les oblige à mener une vie de prétendue dévotion, qu'elles le veuillent ou non. Est-ce préférable ? Ou vaut-il mieux la laisser choisir elle-même, et essayer d'aider les autres par la même occasion ?
Cette attitude renforça la méfiance que Mirei éprouvait à son égard. Cette fille n'acceptait pas n'importe quoi simplement parce que cela émanait d'une personne détentrice de l'autorité. Elle tenait à y réfléchir et à décider quelle serait sa position.
Je suis partie, et je ne reviendrai pas. Je refuse de rester en compagnie de cette abomination. Le double nous est ôté pour une bonne raison, et le faire revenir est la pire des hérésies. Il doit être détruit. L'affirmation selon laquelle il serait la Guerrière et le néant n'est pas un argument en sa faveur - au contraire, c'est précisément pourquoi nous devons nous en débarrasser. Il est la destruction de la vie, la destruction de la magie, l'antithèse de tout ce qui existe ici-bas et, si nous accueillons favorablement son retour, nous aurons commis un péché terrible. Il ne suffit pas que ce monstre s'en aille. Nous devons le détruire, éradiquer cette horreur de notre monde.
- Sale sorcière! cracha cette dernière.
Elle avait aperçu Amas et Indera et semblait avoir reconnu en elles des apprenties Chasseuses, bien qu'elle ne fût pas du Feu d'Argent. Elles avaient ôté leur foulard durant le temps passé dans la cachette, et leurs cheveux courts étaient visibles dans la pâle clarté de la lune qui se levait. Toutes deux avaient mis pied à terre et observaient la scène avec étonnement.
- Ne lui faites pas confiance! C'est une sorcière! Elle va nous emmener pour nous tuer...
- Je te l'ai déjà dit, je suis celle qui ne veux pas te tuer, répliqua Mirei en resserrant sa prise sur les poignets de la fille. Est-ce que tu vas te taire, maintenant, ou faudra-t-il que je t'endorme encore avec un sort?
Éclipse se rendit compte qu'une fois de plus, il se tordait les mains dans ses fers pour essayer de les libérer. Il ne cessait de le faire, quand bien même l'expérience lui avait démontré que c'était une perte de temps. On l'avait très bien menotté, et même le sang à ses poignets écorchés ne lui permettait pas de glisser les mains hors de leur étau métallique. Par ailleurs, même s'il avait réussi à se libérer de ses entraves, il demeurait dans une pièce sans fenêtre, derrière une porte verrouillée et trop solide pour être enfoncée, porte qui était munie d'un judas grillagé par lequel ses geôlières regardaient systématiquement avant d'entrer. S'il ne leur montrait pas ses mains, elles n'ouvraient pas. Il avait ainsi manqué quelques repas, ce qui expliquait son incertitude quant au nombre de jours passés ici. Et la sorcière qui chantait le sort ne pénétrait jamais dans sa cellule. Elle se contentait de l'observer par le judas, et repartait dès qu'elle en avait fini.