ELLE
Elle montrait ses poings au soleil
Elle égratignait l'eau de ses ongles
Elle frappait sur le dos du vent
Elle était grande comme une insulte
et son corps ployait dans le vide
De noms imaginaires
aussi doux que le cidre
en vain l'ai-je appelée
ma ville brune et mon audience,
mon patrimoine mis à sac
par une rosée en colère.
Mon cœur tremblait comme une vitre.
On ne met pas l'orage en cage sans fatigue.
Mais il m'est possible d'errer
bouche folle et les mains serrées
là où les pas de ceux qui nous aimèrent
ont lentement pourri le sable.
Mon corps est l'asile du tien
Je repars à zéro
car la poésie n'est peut-être pas une somme,
un rendez-vous des grands coups du hasard
mais une zone de silence entre ce que je suis et ce que je vais dire
un dessin malhabile entre l'ombre et la lumière
et dans ce cas tout est à recommencer
Ce soir
[...] Non ! Nous ne sommes pas promis aux anges
ni aux musiques dosées des nuages bleus
nous sommes vivants et criminels
simplement vivants, criminels irresponsables,
pour le court-métrage d’un bref tapis d’existence,
sans crainte et sans espoir,
l’œil braqué sur la pendule de l’Histoire,
un verre à la main,
lucides et fiers,
capables de tous les bilans,
prêts à nous faire couper la tête sans façons.
SEUL COMME UNE BÊTE
Seul comme une bête
au milieu des vagues qui me rejettent
seul parmi les hommes
(ils se nourrissent de légendes,
d'opium, d'idées de salut).
Seul comme un brave
devant les proues qui jonglent avec l'eau,
les bouches riant pour échapper aux rides,
le soleil, athlète blessé luisant d'huile,
le grand mât crispé des pins.
Seul comme la pluie
sur la planche et les fers usés des pontons
obligeant les bateaux à rester au port plus longtemps
pour faire durer les voyages,
le crucifix que la lune mouille le soir entre deux îles.
Seul comme une bête
il ne restera que poussière
de tout ce que nous avons adoré,
dont nous avions gonflé nos maigres bagages
et qui, à l'usage, s'écaille sous nos yeux,
les vacances mortes derrière les brouettes de la mer.
AFRO-CHANSON
… La nuit descend comme une bombe
Bomba Bamboche
On entend crisser le cœur des ruisseaux
et les serpents gris lèchent les étoiles
sur les pierres plates où deux doigts d'eau couvent.
…
Je veux parler pour que l'espoir renaisse
et non plus vagissant
et non plus douloureux
mais droit dans sa lumière
Je veux crier pour qu'on abatte les murs de la misère
je veux chanter pour que mes amis soient davantage purs
je veux être heureux
pour que chaque homme soit assis
entre celle qu'il aime
et un bonheur comme le mien.
Une fille sème partout ses cheveux :
nous ne saurons jamais
pourquoi son rire est une barque à la dérive
Sa gorge tremble sous une cascade de veines
douces comme des oiseaux de relâche.