AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de AgatheDumaurier


Superbe roman, qui égale au moins ceux de Charlotte, à mes yeux en tout cas.
On sent l'ambiance Brontë dans le texte, manoirs, landes désolées, hommes brutaux et diaboliques, enchantement de l'écriture... Mais Anne Brontë se différencie de ses soeurs par son réalisme et la dimension politique de son livre. Car c'est un réquisitoire violent et magnifique contre la situation des femmes au XIXeme siècle, leur education, leur destin.
On rencontre d'abord la mystérieuse Mrs. Graham par les yeux de Gilbert Markham, jeune gentleman farmer du village où cette dame a trouvé refuge. Très vite, sa beauté, sa solitude et la présence de son fils sans celle de son père, délient les langues autour d'elle quoiqu'elle se déclare veuve...Impossible pour une femme de rester tranquille et anonyme...et les pires colporteurs de ragots sont ces mêmes femmes qui devraient être solidaires...Mais leur éducation et leur oisiveté les poussent à condamner tout ce qui semble un peu étrange.
Puis, suite à diverses péripéties, le lecteur découvre le journal intime de Mrs. Graham (Helen). Et c'est une plongée dans l'enfer que peut devenir un mariage à cette époque. D'abord, la jeune fille est littéralement lancée sur le marché du mariage, où ces messieurs se pressent pour voir la marchandise. Il y a quelque chose de profondément obscène dans ces scènes de bals hypocrites où les jeunes filles innocentes se pavanent la bouche en coeur au milieu des hommes avertis et pervertis. Ils cherchent laquelle sera la plus riche, la plus soumise...Alors qu'elles se croient dans Cendrillon. Helen, pourtant futée, se laisse littéralement embobiner par Arthur Hundington, un bellâtre qui cache sous son abondante chevelure et ses yeux moqueurs une âme faible et égoïste...Car, on constate sans peine que, si l'éducation des filles est scandaleuse, celle des garçons est une catastrophe...On ne leur met, pour parler comme aujourd'hui, aucune limite.On leur inculque l'idée que les femmes sont au monde pour les servir...et qui les éduque ainsi ? Les femmes elles-mêmes, créant leur propre enfer et celui de leurs filles. Mais condamnant aussi leurs fils à la souffrance s'ils n'ont pas la force de caractère de s'imposer eux-mêmes quelques ornières. C'est ainsi que des fortunes sont dilapidées, des familles ruinées, des dépendances mortelles à l'alcool, à l'opium, au jeu créées. L'éducation comme fondement essentiel de la société était déjà le grand thème d'Agnès Grey, l'autre grand roman d'Anne Brontë.
Donc Helen plonge avec son Arthur...Les lois l'empêchant de se libérer de cet esclavage sont aussi mises en évidence. L'Etat joue un grand rôle dans l'asservissement des épouses.
Bref, n'en disons pas plus. L'ensemble est absolument passionnant et génial.
La peste soit de cette p*** de tuberculose qui a emporté à 25 ans les plus grandes auteures du XIXeme siècle anglais.
Commenter  J’apprécie          304



Ont apprécié cette critique (26)voir plus




{* *}